Avant les journaux, il y eut les « canards ». Au XIXe siècle, le terme a désigné les feuilles vendues à la criée qui annonçaient crimes et catastrophes. Illustrés de spectaculaires gravures sur bois, ces imprimés occasionnels étaient accusés des mêmes maux que les faits divers aujourd’hui : mensongers, malsains, vulgaires et de plus bon marché – bref, intolérablement populaires.

C’est bien connu, le fait divers « fait diversion », selon la formule de Pierre Bourdieu : on considère qu’en focalisant le récit sur les destins individuels au détriment des questions politiques et sociales, il est l’allié objectif du pouvoir. Pourtant, au tout début de la monarchie de Juillet (1830-1848), l’opposition républicaine réussit pendant un an à mobiliser cette presse de rue pour porter ses combats. Sang, sexe et larmes en sont toujours les aliments, mais cette fois pour dénoncer les crimes des tyrans, la corruption des prêtres, les emprisonnements arbitraires. La réaction du gouvernement sera à la mesure de ce défi, brutale.

C’est sur cet épisode peu connu que revient François Burkard, journaliste et auteur d’un livre sur le canardier Antoine-Joseph Garson (Garson, fabricant d’images, à paraitre à l’automne 2023).