
La danse, le chant, le théâtre, … qu’est-ce qui vous a poussé à vous lancer dans ce métier-passion ? Pouvez-vous nous raconter un peu votre parcours en tant qu’artiste ?
Je suis née à Epinal. J’ai commencé dans le milieu sportif, plus précisément en tant que patineuse artistique, pour ensuite me tourner vers la danse et le théâtre.
Je suis diplômée de l’Ecole Claude Mathieu en art et techniques de l’acteur – et de l’AICOM à Paris (Académie Internationale de Comédie Musicale) en chant, danse et théâtre.
J’ai complété ma formation auprès de Chet Walker aux Etats-Unis (Professional advancement award in Jazz musical Theater dance). Nous étions 24 étudiants boursiers de plusieurs nationalités. C’était une réelle richesse de rencontrer d’autres jeunes qui avaient différentes manières de travailler.
J’ai également récemment suivi une formation en dramaturgie à l’Université de Lausanne où j’ai pu allier voix, corps et texte.
A Paris j’ai vécu une période où je ne savais pas ce que je racontais. J’ai joué dans de nombreuses pièces et spectacles musicaux de renommée, en tournée dans toute la France et à l’étranger, mais je n’étais plus en accord avec les projets qu’on me proposait. A un moment je me suis demandée : « pourquoi je monte sur scène ? »
Puis je suis arrivée à saturation et j’ai décidé de faire une marche de Paris jusqu’à Saint Jacques de Compostelle pour me confronter à moi-même. C’est là que j’ai entendu « ultreia » [du latin ultra – au-delà et eia – vers], une façon pour les gens de saluer les pèlerins et dire « bon voyage ». C’était un parcours difficile, mais je me faisais la promesse tous les jours d’avancer (ultreia !). Pour moi, c’était un chemin initiatique où j’ai créé du lien et du sens. L’année qui a suivi, j’ai créé la compagnie Ultreia.
La compagnie Ultreia, créée en 2013, s’attache à construire des ponts entre les disciplines – danse, musique, voix, théâtre. Pour vous, cet aspect pluridisciplinaire fait la richesse de cette compagnie ?
La compagnie Ultreia est un cerveau collectif qui laisse la place aux personnes de créer, selon leurs compétences (son, lumière, scénographie, numérique, danse, etc). De plus, chaque personne a un profil pluridisciplinaire (vidéo + son / scénographie + lumière / comédie + danse ou chant, …).
Toutes mes expériences et mes rencontres m’ont permis d’élargir ma palette. J’ai fait de la danse, du chant, du théâtre et maintenant je veux réellement tester l’écriture.
Vous concevez des stages, des ateliers de pratique artistique et des actions de médiation culturelle pour tout type de publics. Qu’avez-vous envie de transmettre aux autres ?
La compagnie s’articule autour de 3 grands axes :
- La création
- La recherche artistique (notre laboratoire)
- L’action culturelle
Ce dernier est très important pour moi.
Tout d’abord, j’ai eu de très bons professeurs tout au long de mon parcours, notamment au Théâtre du Soleil, qui m’ont donné l’envie d’enseigner.
La Cie Ultreia a également mené le projet citoyen « Confiance : Tous Acteurs » autour de la confiance en soi, en l’autre et en l’avenir. Avec le soutien des ATP nous avons invité des personnes qui n’ont jamais été sur scène et qui sont devenus créateurs et acteurs sur scène et au-delà, dans leurs vies de tous les jours. Nous avons voulu insuffler une énergie pour que cela devienne un collectif.
J’aime concevoir des actions culturelles pour des publics qui n’ont pas accès à la culture et donner une voix aux gens qui n’ont pas l’habitude d’être écoutés.
Vous oeuvrez notamment pour sensibiliser les jeunes au théâtre ? Quel est votre retour d’expérience ?
J’adore faire des actions auprès des jeunes (collège, lycée). C’est le public de demain, les citoyens de demain, les futurs porteurs de projets. Les jeunes d’aujourd’hui sont conscients de plus de choses, grâce aux réseaux sociaux. Et à cet âge on se pose beaucoup de questions.
Il faut une école du spectateur, un théâtre immersif. Les ateliers de théâtre leur donnent confiance. On leur donne des outils et on les aide à développer un esprit critique. Cela crée du dialogue et du débat.
Le territoire vosgien est un formidable laboratoire d’expériences et il faut multiplier les actions envers les jeunes.
Qu’est-ce qui vous donne envie de porter une œuvre théâtrale et d’y mettre votre empreinte ? Qu’est-ce qui vous a amené à faire le choix de « Trust » par exemple ?
« Trust » est une pièce de Falk Richter écrite en 2009 après la crise des « subprimes ». Mais aujourd’hui, c’est toujours d’actualité. On vit dans une société qui prône l’avoir au lieu de l’être. Il y a de plus en plus de « burnout » et de suicides.
En lisant le texte de Richter, quelque chose a résonné en moi. C’était des questions que je me posais en tant qu’artiste. Puis j’avais envie de choisir une œuvre contemporaine.
J’ai été séduite par la forme : « Trust » est écrit comme des pièces d’un puzzle. Aucune indication… pas de distribution… parfois même aucune ponctuation. Dans le texte original on peut lire « je crois que je suis en train de m’effondrer, tout simplement ». Puis, une page blanche. Il faut traiter cette page blanche avec le corps, la musique, le mur… comme on traite le vide. Cela m’a semblé fascinant. Un vrai challenge.
La liberté (liberté d’expression théâtrale, liberté de mise en scène, liberté du corps à travers la danse, …) est quelque chose d’important pour vous ?
Sans liberté, il n’y a pas de création. On ne serait que des exécutants.
Dans la pièce « Trust », par exemple, j’ai pris énormément de liberté avec la musique. J’ai fait le choix de deux arrangements musicaux particuliers avec 3 niveaux de lecture : le texte, la musique et le cri de justice sociale. Je vous laisse le plaisir de découvrir cela lors de notre prochaine représentation.
Dans cette liberté, j’essaie cependant de créer un cadre très précis. Et dans ce cadre, les acteurs ont cette liberté de s’approprier des choses. J’ai un vrai échange avec les comédiens et toute l’équipe technique. Et on évolue tous grâce au public.
Lors de la représentation, le public découvre une mise en scène épurée avec un grand mur qui permet de jouer sur la transparence et le reflet. On voit des ombres, on voit le reflet des acteurs, on voit des jeux de lumières, des projections de chiffres et puis on découvre même, nous, public, notre propre reflet dans le miroir… Racontez-nous un peu le concept de ce mur unique et original.
Pour commencer, je souhaitais quelque chose qui ressemble à la façade d’un building de quartier financier.
Falk Richter écrit : « on est tous au pied du mur ». Je souhaitais un grand mur pour donner une sensation d’écrasement et d’étouffement. Il fallait que l’espace se rétrécisse, que le décor bouge peu à peu vers l’avant, réduisant progressivement l’espace de jeu pour finir en avant-scène mettant comédiens et spectateurs au pied du mur dans un « sans issue » face à eux-mêmes. Le système nous écrase… et nous citoyens poussons le système.
Notre laboratoire artistique a permis de réfléchir à la conception de ce mur et les projections vidéos et numériques sur la surface de cette structure. On a une belle équipe avec d’excellents techniciens qui étaient tous force de proposition.
Ce mur est un élément principal de la pièce qui permet de jouer sur 2 points de vue selon l’éclairage… mais je n’en dis pas plus !
A découvrir …
Prochaine représentation de « Trust » : le 10 janvier 2020 à l’Espace George Sadoul, Saint-Dié-des-Vosges
Pour plus d’informations sur la compagnie Ultreia :
Site web : www.compagnieultreia.fr
Facebook : @compagnieultreia1
Crédits photos : ©PierreDolzani
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