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Jackdal et son exposition au Conseil départemental des Vosges

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Sensible au développement de la création artistique en arts visuels sur son territoire, le Conseil départemental des Vosges accueille des expositions au sein de l’Hôtel du Département tout au long de l’année. Cette action a pour objectif de faire connaître des artistes plasticiens vosgiens.

Culture C Nous a donc eu le plaisir d’interviewer Jackdal photos dans le cadre de son exposition qui est prolongée jusqu’au 20 août 2021. Zoom sur ce photographe de rue qui montre l’émotion d’un instant, la fugacité d’une situation. Dans cette vie qui va trop vite, Jackdal amène le spectateur à prendre le temps de regarder et de penser.

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Découvrez l’interview :

 

DÉCOUVREZ LE TEASER DE L’EXPOSITION :

La compagnie Tempor’Air nous présente « des hauts et débat »

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Rencontre avec Kévin Briot, directeur artistique, danseur-interprète et intervenant pédagogique pour la Cie Témpor’Air

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Kévin Briot de la compagnie Tempor’Air / crédits photo : CD88/ME

 

La danse version Tempor’Air

Leur danse, c’est le top rock, la danse debout du break dance que l’on reconnait avec les jeux de jambes, les attitudes et la tenue de corps du b-boy (breaker). Cette discipline dans la discipline, Tempor’Air l’a choisi pour mettre en lumière l’aspect dansé du break dance. Le top rock est une danse caractérielle avec du mime et des jeux de rôles et qui, bien que dotée d’une technique bien spécifique, laisse place à une réelle improvisation et spontanéité.

 

 

Le parcours des danseurs-chorégraphes

Ce sont les voyages et les rencontres qui ont forgés Kévin Briot et Ala’Edinne Abdemouche de la compagnie Tempor’Air. En passant par la case des stages, aux côtés de pionniers de la danse hip hop partout en France et à l’étranger, ils ont pu se former. Ces stages ont été un réel héritage de l’univers du hip hop. En prenant conscience qu’il fallait se professionnaliser, parallèlement, ils se sont formé à l’enseignement artistique de la danse.

Puis il y les battles… la meilleure école.
Face à soi-même, les battles sont une réelle mise à nu servant à se dépasser. Kévin et Ala’Edinne ont évolué dans leur discipline grâce à ces confrontations qui les ont nourris et stimulés tout au long de leur parcours.

Les battles sont aussi une belle leçon de vie pour faire face à l’échec de manière positive. « Les 1ères barrières que l’on se met sont les nôtres », dit Kévin, « pendant 5 ans on a tout donné en battles sans rien gagner. Puis, on passe les pré-sélections, on arrive en quart de finale, en demi-finale…. et à force de persévérance, un jour on se retrouve en finale ». Une leçon importante qu’ils essaient de transmettre aujourd’hui à la jeunesse vosgienne.

Les 2 artistes ont touché à tous les styles de danse pour trouver leur signature bien à eux. Ils ont fait du popping, du locking, du hip hop, du break et se sont même instruits sur la danse contemporaine et classique. « Aujourd’hui on arrive à tout mettre ensemble pour en faire notre propre soupe. »

 

 

La pièce chorégraphique « Des Hauts et débat »

Cette pièce est la suite logique de leur parcours. Il y a 3 ans, elle prenait la forme d’une petite pièce de 20 minutes qu’ils ont pu tester auprès d’un public jeunesse au sein d’un collectif à Verdun dans le cadre de stages.

Dans les Grand Est, ils ont été repérés par Didier Patard, directeur de l’association Transversales, puis accompagnés également par Jacky Castang de Scènes Vosges, afin d’aller plus loin avec leur création qui aujourd’hui a pris la forme d’un spectacle professionnel de 50 minutes.

« Des Hauts et débat » est l’histoire de leurs voyages, de leur émancipation et de tous les hauts et bas qu’ils ont pu rencontrer sur leur parcours. C’est une mise en lumière de bouts de vie sur 10 ans.

J’ai dansé pendant 5 ans dans ma chambre. Je souhaite apporter aux jeunes ce que je n’ai pas pu avoir .

Avec ce spectacle, ils souhaitent donner accès à la culture et danse hip hop auprès d’un jeune public rural. La compagnie Tempor’Air souhaite faire passer un message simple : on peut réaliser ses rêves, même lorsqu’on habite un petit village vosgien, loin des grandes métropoles où le hip hop s’est considérablement investi.

 

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Quand la musique et la danse se mêlent…

Tempor’Air est accompagné sur scène par le musicien Yvain Von Stebut.

Rencontré il y a quelques années dans le cadre d’un projet d’ateliers, Yvain avait créé des captations sonores pour accompagner une chorégraphie proposée aux jeunes vosgiens.

Sollicité à nouveau pour faire une bande son de leur spectacle « Des hauts et débats » lors du confinement, ils ont fait le choix d’une musique en live sur scène afin de rendre la pièce plus interactive et vivante.

C’est une vraie connexion sur scène entre la danse et la musique. La magie opère .

 

Le hip hop et break dance dans les Vosges, ça donne quoi ?

« C’est compliqué », affirme Kévin.
Il y a une quinzaine d’années, il existait une fédération hip hop dans les Vosges avec des acteurs provenant de Nancy. Aujourd’hui, il y a tout à refaire pour dynamiser la culture hip hop dans les Vosges et que cela se démocratise en milieu rural.

Leur volonté a été de créer une compagnie professionnelle vosgienne afin de se donner du poids et de la crédibilité à cette discipline et les actions portées sur le territoire.

 

Un lien fort avec la jeunesse

La transmission auprès de la jeunesse est un axe phare de la compagnie.
Pour ce faire, la compagnie propose 2 volets :

  • EAC (éducation artistique culturelle) au sein d’établissements scolaires afin de monter des projets, sensibiliser les jeunes et leur donner un accès à la culture du hip hop
  • Enseignement de la discipline par le biais de cours de danse au sein des MJC et centres socioculturels du territoire

 

L’actualité Tempor’Air

Le spectacle « Des Hauts et débat »

  • le 15 juin 2021 au théâtre de La Rotonde à Thaon-les-Vosges
  • 24 septembre 2021 au Festival « Là haut sur la colline » à Epinal
  • 23 juillet 2021 au Festival Pluralies à Luxeuil-les-Bains
  • Maison d’arrêt à Epinal

 

Annonce

Une petite forme de 25 minutes du spectacle exporté hors murs (sans musicien) est proposée en extérieur, dans les écoles ou différents lieux accueillant la culture sur le territoire. Contactez la compagnie Tempor’Air pour plus d’informations !

 

Pour plus d’informations sur la compagnie Tempor’Air

Facebook : @temporair.cie

Instagram : @compagnie_temporair

Site internet : www.compagnietemporair.fr

Arnault Mougenot de la compagnie de théâtre Madame Oldies

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Qu’est-ce qui vous a poussé à vous lancer dans ce métier-passion ?

 

Je suis originaire de Bussang. Quand les copains partaient en colonie de vacances, moi j’allais trainer au Théâtre du Peuple où je vendais des glaces, je tenais des petits rôles, … C’était presque écrit que j’allais faire du théâtre, alors par esprit de contradiction je ne voulais pas faire ça !

J’ai fait un sport-études équitation, puis un jour j’ai tout arrêté et je me suis un peu retrouvé entre deux. Un jour l’ancien directeur du Théâtre du Peuple m’appelle pour me dire qu’il manquait une personne dans la promotion à l’Ecole Nationale d’Art Dramatique de Montpellier aux côtés d’Ariel Garcia Valdès. Il a pensé à moi. J’ai commencé cette école un peu comme ça alors que d’autres s’arrachent les yeux de la tête pour y rentrer. Je ne comprenais pas trop ce qui m’arrivait.

Finalement, ce sont des rencontres avec des personnes qui font que…

 

Vous êtes revenu vivre et travailler dans votre région d’enfance. Pour vous, qu’est-ce qu’il y a d’unique dans les Vosges ?

Le parcours de la compagnie Madame Oldies est un peu particulier parce que j’ai beaucoup bougé entre Montpellier, Saint Etienne (artiste-associé à la Comédie de Saint Etienne) et Paris. La compagnie m’a accompagné tout le long, mais elle s’est vraiment construite ici dans les Vosges.

Nous avons recréé un vrai noyau dur artistique et administratif et nous avons pu tisser de vrais liens et échanges avec nos partenaires, que ce soit nos tutelles ou les professionnels. Et c’est ça qui est unique. Cela prend du temps, mais ça marche.

Ce n’est pas plus facile que dans d’autres régions, mais c’est ici que ça s’est fait pour nous. Et je suis très content de tout ce renouveau qu’il y a dans la compagnie et dans l’équipe.

 

Vous avez une vraie signature au niveau de l’écriture. Pourquoi avoir choisi de raconter vos histoires avec tant de poésie et d’humour noir et grinçant ? 

Tout d’abord j’ai été marqué et inspiré par des auteurs en tant que metteur en scène et personnellement, en tant que lecteur.

Il y a Copi, auteur argentin complètement surréaliste, fou, extravagant avec des situations abracadabrantesques et des personnages dingues un peu à la Pedro Almodóvar, où tout le monde se shoote et se baise … et c’est normal.

Il y a eu également Friedrich Dürrenmatt. Je dois dire que c’est ma rencontre dramaturgique. Il écrit des histoires dingues, immenses, exagérées, et en même temps complètement politisées, humanistes et populaires. Et il raconte tout cela sous forme d’humour.

Lorsque j’ai découvert cet auteur, je comprenais pas pourquoi ses pièces n’étaient plus montées. Aujourd’hui, le théâtre populaire, drôle, divertissant et un peu engagé a vraiment perdu ses lettres de noblesse. Encore que, je trouve que l’on y retourne tout doucement. Je pense que par le divertissement on peut raconter toutes les horreurs du monde, tous les sujets du monde et faire réfléchir les gens.

Puis à un moment donné je me suis dit qu’il était temps que je m’affirme en tant qu’auteur. Je me suis donc repositionné.

Et pour finir, cet humour est ma nature. Je préfère me moquer de moi-même que de m’apitoyer dessus.

Le rire n’est pas forcément un rire sonore. Cela peut aussi être un rire qui fait pleurer. La pièce « Ma Chair est Tendre » est un spectacle où certaines personnes vont rire à des choses, d’autres en seront gênées et d’autres y seront sensibles. J’aime bien ce genre de mixeur d’émotions vives et express.

L’autorisation de la folie est clé pour moi. Ne pas s’autoriser à être fou, ça rend dingue. Aujourd’hui on est dans une société où tout le monde fait attention à tout. Tout le monde se dit marginal et en même temps tout le monde fait comme tout le monde. Et on pète tous les plombs. La société ne va pas très bien…

 

 

MA CHAIR EST TENDRE

 

Vous pouvez nous faire un pitch d’enfer pour « Ma Chair est Tendre » ?

 

C’est l’histoire d’un homme de 40 ans qui est tout seul. L’âge, il n’arrive pas à le digérer. Il va manger pour combler. Et en mangeant, la moindre chose devient vecteur à s’inventer une histoire pour fuir une réalité.

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La nourriture a une place centrale sur scène (jusqu’à vous servir de masque de farine tel un clown mi-comique, mi-tragique). Pouvez-vous nous en dire plus ?

 

Ce n’est pas la place que j’ai voulu donner à la nourriture, c’est la place qu’elle a. Tous les jours elle est avec nous. On se réveille, la 1ere chose que l’on fait est manger. On se retrouve entre amis, on mange et on boit un verre. On est heureux, on mange. On est malheureux, on mange. Ou alors on ne mange plus du tout et on est en refus de la nourriture. On mange à excès… La nourriture est déjà centrale dans nos vies.

J’ai écrit un spectacle sur un personnage célibataire pour qui la nourriture est sa compagne qui rythme sa journée. La nourriture est centrale dans le spectacle et en même temps on n’en parle pas. Elle est là et elle l’accompagne, tout simplement.

A la compagnie, c’est vraiment une marque de fabrique… Depuis toujours, nos réunions c’est avec pinard et saucisson !

La prochaine pièce de la compagnie s’appelle « Le Fils du Boucher ». Finalement, on en revient toujours à la nourriture !

« Ma Chair est Tendre »  parle aussi du corps, à travers cette nourriture.  Un peu trop gros ici, un peu trop maigre là.  Un peu trop ridé, plus de cheveux, etc… Tout ça c’est à nous et c’est comme ça. Faisons avec et si on regarde bien, cet outil, dans sa singularité, est génial.

Le spectacle commence comme ça et finit comme ça, avec un message positif.

Depuis le début de la création on s’était dit qu’il fallait être très vigilant pour éviter d’être dans un rapport de culpabilisation par rapport à la nourriture. On a une responsabilité, on fait du spectacle et c’est notre responsabilité en tant qu’artiste. On ne peut pas dire n’importe quoi, parce qu’on est dans une démarche populaire et il faut que les choses soient comprises telles qu’elles sont dites. Un enfant en surpoids qui voit le spectacle, il faut qu’il sorte de là et qu’il soit bien avec lui-même. Car le monde ne le sera pas forcément.

 

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« Ma Chair est Tendre » met en lumière les rapports aux autres et à nous-mêmes, avec toutes nos failles, nos peurs, nos pulsions, nos difficultés, nos joies, nos émotions… Pour vous, quel est le message principal que vous avez voulu faire passer à travers cette pièce ? Qu’on a chacun une folie ordinaire, et que c’est OK ?

 

Oui ! Que ne pas s’autoriser à la folie rend fou.

Le Monsieur ou Madame tout le monde qu’on croise tous les jours est beaucoup plus fou ou folle qu’on peut le croire lorsque l’on voit ce qui se cache derrière. Nous avons tous des vies bien plus palpitantes nous pourrions le croire.

C’est comme dans les films de Yolande Moreau. Pour moi « Ma Chair est Tendre » est dans cette lignée-là. Je n’ai pas cette prétention d’être aussi doué qu’elle dans l’écriture et l’interprétation, mais l’idée de mettre en valeur des petits gens qui une fois rentrés chez eux, ont des vies extraordinaires, me fascine.

D’ailleurs j’avais mené un stage d’écriture au Plateau Ivre il y a quelques temps sur le thème : comment le quotidien devient extraordinaire.

Le réalisateur Emir Kusturica est aussi une grande source d’inspiration avec des petites scènes de vie complètement barrées… et en même temps tout paraît tellement simple et réaliste.

J’aime beaucoup parler de ce qu’on dit marginaux. Et en même temps on est tous en marge de quelqu’un d’autre. Donc finalement tout cela est très banal.

 

 

 

 

 

LE FILS DU BOUCHER

 

Qu’est-ce qui vous a amené à faire le choix de cette création inspirée de la vie d’Edouard II d’Angleterre ?

 

Ce n’était pas un choix…

En regardant dans ma bibliothèque un jour, je tombe sur une pièce que je ne savais pas avoir qui s’appelle « Edouard II » de Christopher Marlowe. Je lis cette pièce et c’est un véritable raz-de-marée dans ma tête. L’histoire et le personnage me chamboule. Mon souhait est de monter la pièce, mais au vue du nombre de personnages, la production a du mal à démarrer.

Puis je déménage. Et lorsque je fais mes cartons, je tombe sur une autre version d’Edouard II écrit par Bertolt Brecht, un de mes auteurs préférés. Je le trouve beaucoup plus drôle, beaucoup plus satirique. Il a vraiment repris la pièce de Marlowe avec les mêmes personnages, la même trame, mais l’a écrite autrement. Les ayants droits pour Brecht ont rendu l’adaptation impossible.

Tout cela, c’était il y a 10 ans…

Et depuis tout ce temps, Edouard II ne m’a jamais quitté. Je crois sincèrement, sans prétention aucune, qu’un acteur a parfois des rencontres avec des rôles. Je ne dis pas que ça finit bien, mais en tout cas, celle-là en est une.

J’ai eu la chance de mettre en scène un atelier amateur de Artopie. On a travaillé sur les 2 versions d’Edouard II. J’ai réécrit des choses, on a retravaillé des éléments. Puis en discutant avec l’équipe Madame Oldies, j’ai compris que ce que je voulais vraiment faire c’est écrire ma propre version.

L’histoire d’Edouard II est démesurée et extraordinaire. C’est une histoire d’amour qui se déroule sur 30 ans.  Des histoires de rois homosexuels il y en a toujours eu, sauf que lui il l’affiche et le revendique.  Il était pro mariage pour tous bien avant son époque.

Et puis c’est une histoire de guerre. Une vraie histoire shakespearienne avec des guerres, des alliances, des contre-alliances.

 

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Ce qui m’intéresse c’est de raconter l’histoire d’un roi qui rencontre un homme qui lui fera découvrir l’amour, la passion, l’excès, la liberté. A partir de là, plus rien n’arrêtera cet amour. J’avais envie que cet amant soit, comme Brecht l’avait fait, un fils du boucher, un homme du peuple, loin de la noblesse. J’ai voulu que le centre soit cet amant-là, qui est le déclencheur de tout. La pièce on va la positionner dans la dernière heure de la vie d’Edouard II. Son amant, lui est déjà mort depuis un moment.

 

 

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Comment s’est passé votre résidence de création à la NEF ? Quels ont été les challenges rencontrés ?

 

Cela fait 10 ans que ce projet m’accompagne. Cela fait 5 ans que je l’écris. Des versions du texte, j’en ai déjà écrit plein. La 1ère version je l’avais écrite avec autant de personnages que pour Brecht et Marlowe.

Par la suite, j’ai écrit une version avec 4 personnages à huit-clos, proche de l’esprit de Copi.

Puis avec le temps, j’ai voulu raconter Edouard II et pas forcément de le jouer. Comment arriver à glisser moi l’auteur, l’acteur, qui est en route depuis 10 ans pour aller vers cette rencontre avec ce personnage. Comment faire cohabiter tout ça. Et comment écrire cela pour juste 1 acteur et le cadavre qui sera là sous forme de « marionnette ».

A la NEF à Saint-Dié-des-Vosges, l’idée était d’arriver avec toute cette matière-là et de transmettre à Hélène Tisserand (mise en scène) et Marcela San Pedro (chorégraphie) tout ce que j’ai dans la tête depuis 10 ans, en faisant des essais pour voir approfondir la narration. On se rend vite compte qu’on ne pourra pas tout mettre. Cela m’a remis sur les rails pour pouvoir retourner à l’écriture.

Et puis, il y avait un challenge qui n’était pas évident. J’ai envie que mon Edouard ne parle pas beaucoup, qu’il n’en est plus besoin ou plus l’envie. Alors il faut trouver des stratagèmes : la danse, le cadavre, …

Chez Brecht et Marlowe il y a un grand absent dans leurs pièces : le peuple. Moi j’ai envie que toute la trame de l’histoire soit racontée par le peuple. Et en mettant tout cela dans le contexte de 2020 avec le réveil de l’homophobie, la religion, les médias.

Pour finir, il y a un rôle que j’ai eu très envie de mettre en lumière : sa femme, qui était mariée 13 ans avec un roi homosexuel. Elle est française, il est anglais… elle ne comprend rien de ce qu’il dit. Elle se tait. Elle observe. Puis un jour, c’est elle qui va reprendre le pouvoir. Et le jour où elle le fait, alors là, attention.

 

 

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Pour plus d’informations sur la compagnie Madame Oldies  

Site web : http://www.madameoldies.com/
Facebook : @MADAME-OLDIES-CIE

Crédits photos : ©CIE MADAME OLDIES

Tiphaine Gondouin et son labo-expo « Les Heures Grises »

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Rencontre avec la plasticienne-photographe Tiphaine Gondouin

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Afin de soutenir la création artistique sur le territoire des Vosges, le Conseil départemental des Vosges ouvre ses portes aux artistes locaux. Quatre artistes ont été sélectionnés par un jury parmi 14 candidats. Tiphaine Gondouin est la 2ème artiste à exposer ses oeuvres. Elle sera suivi par 2 autres artistes vosgiens courant 2020.

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Pouvez-vous nous retracer un peu votre parcours ?

 

Je pratique en labo la photographie depuis la 3ème au collège. Au lycée, pendant les semaines banalisées, j’ai effectué un stage d’entreprise auprès d’un photographe et j’ai continué d’y aller pendant les petites vacances. Après un bac ES, j’ai fait des études d’arts plastiques à l’Université de Strasbourg. J’y ai suivi en parallèle des cours de Lettres Moderne, de philosophie esthétique et de Cinéma.

J’ai énormément aimé étudier d’autres sujets que l’art : les questions sur la société et le monde qui nous entoure, l’économie, la littérature et les sciences, … Cela m’a beaucoup servi dans ma pratique.

J’ai eu parfois du mal avec l’enseignement traditionnelle des arts plastiques (dessin, croquis, peinture, sculpture) au début de ma formation. Par conséquent, j’ai souvent essayé d’imposer une réponse photographique à des sujets que l’on nous donnait, quand c’était possible.

J’ai obtenu une maîtrise en arts plastiques puis un DEA en arts visuels à l’Université de Strasbourg, puis j’ai soutenu ma thèse en 2012. Cela a cristallisé beaucoup de choses. C’est un moment hors du temps où l’on peut pousser la discussion très loin sans avoir peur de la critique ou du vide. Un moment rare, unique, déconnecté d’une certaine utilité et du quotidien, qui se focalise sur la beauté des idées et le processus de recherche qui nous laisse entrevoir cet espace de liberté. Sans doute mes meilleures années malgré certaines difficultés.

Je suis actuellement enseignante en arts plastiques et en arts appliqués à l’Ensemble scolaire

Notre-Dame/St Joseph à Epinal, ainsi que professeure en « Histoire de la photographie » et « Histoire de l’Art » à l’Ecole de Condé à Nancy. J’initie aussi les étudiants à la théorie photographique et les suit (avec d’autres intervenants) dans l’élaboration de leur mémoire de fin d’étude.

J’allie mon métier de professeure et la photographie car je souhaite garder la partie pratique tout en continuant d’être pédagogue. Je le conçois comme un tout. J’envisage cela comme un cercle : pratique, théorie, enseignement, communication. J’y trouve mon équilibre. Il m’est nécessaire de connaître la photographie actuelle, les photographes du moment, comment se vend une photo. Il faut être à la page.

 

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Quels sont les artistes d’hier et d’aujourd’hui qui vous ont inspiré tout au long de votre parcours ?

 

Mes sources d’inspiration sont multiples et variées : la photographie bien sûr, mais aussi la littérature, le cinéma, et aussi des démarches singulières de plasticiens. Je retrouve mes propres interrogations dans des domaines à priori très éloignés, et j’y suis sensible dans ma propre réflexion en retour. Dès que l’on se centre sur le process et moins sur l’image ou le résultat, un médium que l’on travaille, cela me retient. C’est vrai que j’ai été plus inspirée par les anciens.

Pêle mêle, j’aime beaucoup le photographe néerlandais Jan Dibbets, Philippe Gronon et Michael Snow (photo + vidéo). Mais aussi Ugo Mulas, Chantal Akerman, Jorges Luis Borges, Franz Kafka, John Hilliard, Bernar Venet, Marcel Duchamp, Jean-Marc Bustamante… J’ai découvert le travail de Mustapha Azeroual.

Je me suis également penchée sur certains philosophes tel que Jean-Louis Déotte (concept d’appareil en philosophie esthétique) qui m’a inspiré dans mes recherches lors de ma thèse. C’est lui qui m’a offert les portes de sa collection « Esthétiques ». Bien sûr, je reste proche de W. Benjamin et la pensée de R. Passeron.

 

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Et c’est quoi votre définition de la photographie ?

 

Pour moi, c’est le centre. Une possibilité de comprendre.

 

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Votre photographie est comme une science, comme un laboratoire d’expériences où l’on teste et expérimente… Vous vous décrivez comme une artiste plasticienne faisant de la recherche ?

 

Le réel est une matière comme une autre. Une matière que je vais transformer en photographie, ou plus précisément, que je vais rendre photographique. Le réel est quelque chose de donné et qu’on doit faire apparaître selon une modalité, un programme, celui de la photographie. Puis nous jouons avec des éléments spécifiques (lumière, cadre) qui permettent au réel d’être là.

L’échec est nécessaire. Nous avons l’idée, le déclic, mais après nous sommes confrontés aux aléas liés à notre corps de plasticien et aux limites données par la matière par exemple. Il faut y être attentif et savoir les voir et s’en servir dans sa création. Cela peut même devenir un autre projet, car l’accident est source de création.

Je fonctionne toujours avec le même procédé. Je mets en place une idée, un protocole. Je crée des process qui réfléchissent sur ce que c’est de faire une photographie. Après, il se passe des choses lors de la pratique et j’accepte ce qu’il vient. Pour moi, la création se situe ailleurs, dans la procédure à l’oeuvre : ne « rien attendre » de l’image photographique à venir. J’aime donner à voir les conditions de possibilités de cet appareil photographique. Je me laisse agir par lui. C’est un travail de découverte et c’est cela qui le rend intéressant.

J’essaie d’inculquer cela à mes élèves. Si ce qu’ils produisent n’est pas ce qu’ils attendaient, ce n’est pas considéré comme un échec. Il y a autant de résultats possibles qu’il y a des personnes dans la classe.

 

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Et pour vous, l’appareil photo fait partie intégrante du processus artistique. « Comment » photographier est une question tout aussi essentielle que « quoi » photographier ? Pouvezvous nous en dire plus ?

 

Une bonne photo c’est quand les deux se rejoignent. Le quoi sert le comment, le comment sert le quoi. Une prise de conscience que le réel est appareillé par la photographie.

 

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Dans l’ère du numérique, vous prônez l’argentique. Quelle est la richesse et la valeur ajoutée de l’argentique ?

 

Pour moi le numérique crée une image spécifique qui reste de la photographie. C’est une image fluide directement partageable. Le mode d’apparition du réel n’est pas le même qu’avec l’argentique. L’argentique est lié à une matière, une matrice, une destination différente du numérique. Par exemple, on a du grain au lieu des pixels. On ne crée pas le même type d’image.

Le numérique, sa matérialité, c’est le code, le langage. Le résultat d’un programme qui doit nécessairement se réaliser. Comme le disait J. L Déotte : « une photo numérique n’est pas l’interprétation d’une esquisse (d’un projet), mais la concrétisation d’un code ».

Aujourd’hui on a fait un transfert du monde de l’argentique vers un monde du numérique. L’appareil numérique a synthétisé tous les autres. C’est d’ailleurs sa spécificité.

Personnellement je travaille plus avec de l’argentique, car j’aime faire apparaître le geste, la matière, quelque chose qui m’est extérieur et que je transforme. Mais je ne m’interdis pas de penser au numérique en travaillant sur le code comme matière.

 

 

 

Pour vous les textes sont aussi importants que les photographies ? Pourquoi ?

 

Le texte pour moi est très important. Il permet d’expliquer ma démarche pour certains. C’est
aussi un travail de texte, dans le cadre de ma recherche.

 

 

La transmission vous apporte autant que la pratique ?

 

J’aime communiquer sur mon travail. J’aime montrer que la photographie peut être multiple.

Je souhaite une réelle prise de conscience à ce sujet et sensibiliser les autres aux différents types de photos possibles. La photographie n’est pas forcément que de l’image mais aussi un acte, une représentation, une matérialité etc.

 

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Quels sont vos futurs projets ?

J’aimerais monter des expositions dans des lieux près de chez moi. J’ai pour projet d’investir un lieu abandonné, inoccupé à Contrexéville.

J’ai également un projet de création de texte à partir d’une série de photographies. L’idée est de raconter la prise de vue sous forme d’histoire (auto-fiction) depuis le point de vue du photographe au moment de la création. Des textes plus fictionnels pour tenter de théoriser autrement la création.

 

Découvrez le teaser de l’exposition :

 

 

Pour plus d’informations :

Facebook : @Tiphaine Gondouin – plasticienne photographe
Instagram : @tifengondouin

Crédits photos : ©CD88 / AV / ME / LD

Anne Marion de la compagnie de danse l’Aéronef

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Anne Marion, danseuse interprète et chorégraphie, Compagnie L’Aéronef

 

 

Vous diriez que vous êtes née danseuse, avec une envie de mouvement déjà petite… ou est-ce quelque chose qui est apparue bien plus tard et a évolué avec le temps?

 

La danse a été présente dès mon enfance. Ma mère m’a inscrite à des cours de danse lorsque j’avais 4 ans et je n’ai jamais cessé de danser depuis.

 

 

Pouvez-vous nous retracer un peu votre parcours de danseuse-chorégraphe ?

 

J’ai un double parcours. Mes parents m’ont toujours encouragé à la danse, mais ils n’étaient pas particulièrement enthousiastes à l’idée d’une carrière artistique. J’ai donc fait des études de Lettres après le bac, puis une prépa et j’ai passé le concours pour devenir professeur de Lettres.

J’ai continué à faire des projets de danse en tant qu’interprète, en parallèle à mon métier d’enseignante.

En 2012 je fais le grand pas et je fonde la compagnie l’Aéronef. Il devenait difficile d’allier 2 métiers en même temps. J’ai donc fait le choix d’assumer ma passion et je me suis lancée à temps plein dans la danse et la création.

Depuis 2012, la compagnie crée une pièce par an.

Je me suis également formée en obtenant un Diplôme d’Etat en danse contemporaine, ce qui me permet la transmission, à travers des ateliers et des formations destinés à divers publics.

Je retrouve dans ce volet transmission mon 1er métier, l’enseignement. La pédagogie de la danse me passionne énormément. Et cela n’est jamais déconnecté du volet création car dans mes ateliers j’organise des sortes de laboratoire autour de mes pièces. Par exemple, pour « S », j’ai organisé des ateliers costume.

 

 

Loïe Füller vous a beaucoup inspiré pour la pièce « S ». Elle fut la première à innover autour du tissu à danser avec la lumière projetée sur ses robes en soie immenses dont les bras étaient prolongés de baguettes en bambou pour amplifier le mouvement, … Elle fut la star de l’exposition universelle de 1900.

 

Qu’est-ce que vous avez aimé le plus chez elle ?

 

Extrait de la « Danse Serpentine » de Loïe Füller des Frères Lumières

 

J’aime sa folie. C’est une 1ère rencontre entre la danse et la lumière. Le rapport est fascinant. La lumière éclaire et sculpte la danse.

Il y a quelque chose de révolutionnaire dans ses chorégraphies et de complétement aérien.

Ma pièce « S » est un hommage à ce tissu comme élément qui se métamorphose.

Et comme Loïe Füller, mes créations sont à mi-chemin entre danse et installation plastique. Il y a un vrai lien avec la peinture et les arts plastiques.

 

 

Et quels autres danseurs/danseuses-chorégraphes vous ont inspiré tout au long de votre parcours ?

 

Maguy Marin,
Pina Bausch,
Anne Teresa De Keersmaeker

J’aime l’hybridation, le rapport avec la théâtralité, l’absence de linéarité. J’aime trouver des incongruités, chercher d’autres corps. J’aime déconstruire, créer à chaque fois une gestuelle qui s’attache à un projet et trouver un vocabulaire propre à la pièce. J’aime une danse qui se renouvelle.

 

 

Le costume évolutif qui a été conçu pour « S » qui se transforme tout au long de la pièce est un personnage à part entière. Vous dites même que le solo S est un quatuor. Pouvez-vous nous en dire plus ?

 

Oui, un quatuor. Je dirais même trois duos…

Il y a tout d’abord le tissu + moi.
Le tissu un personnage à part entière. Nous avons créé pour « S » un système de marionnettiste avec 32 fils et un pully.
[Philippe Hariga (régie générale et manipulation) est sur la plateau caché derrière les coulisses].

Puis il y a Olivier Irthum (scénographie, lumière, vidéo) + moi.
Il me suit tout au long du spectacle afin de créer une réelle interaction en direct entre la robe, la vidéo (mapping) et la lumière.

Et pour finir il y a Jean-Nicolas Mathieu (création musicale) + moi.
Une composition musicale a été créée pour « S » avec des ajouts sonores.

C’est un tissu souple, une matière imprévisible. Alors malgré une écriture forte programmée, nous devons tous nous écouter, nous attendre, nous retrouver. C’est très vivant. Nous sommes tous en synergie.

 

 

Extrait de la pièce « S »

 

 

 

Je suis venue voir la pièce « S » une après-midi. Il y avait des groupes scolaires (primaire) qui ont assisté à votre solo de danse. Qu’est-ce que vous aimeriez que cette jeune génération retienne de la pièce ? 

 

Je souhaite les sensibiliser à la poésie par le corps, la danse et le mouvement. Les enfants ont un imaginaire ardent. Ils se laissent traverser par les images qui leur viennent.

La nudité partielle est un parti pris ; un choix fait en travaillant la création. J’ai voulu quelque chose de sensuelle, mais pas érotique. J’ai voulu montrer le corps féminin dans ce contexte poétique et magique et leur permettre de voir la dimension sacrée du corps.

 

« S » est un vrai conte étrange et visuel où naissent tant d’images : la mer, la flaque, la cage, la robe, l’aile, la méduse, l’oiseau, la sirène, le fantôme, … Quel a été le point de départ de cette histoire racontée ? Quelle image vous est apparue en 1er lors de la création ?

 

La 1ère image qui m’est venue lors de la création est celle d’un corps nu avec un tissu autour du cou, l’image de la tulipe.

Après la création de la robe, d’autres images me sont apparues en manipulant et jouant avec le tissu (exemple : le nid).

 

Votre corps, celui de la femme, qui est prisonnier de ce tissu, puis se libère. Quelle est votre vision du féminin, du corps de la femme dans notre société d’aujourd’hui ?

 

Pour moi, « S » n’est pas un propos sur la femme dans notre société d’ajourd’hui, c’est plutôt quelque chose d’intemporel. J’ai simplement voulu montrer toutes les facettes du féminin avec pour outil ce tissu.

J’ai surtout souhaité exprimer l’éventail du féminin et les notions de douceur, de sensualité, de lumière, de liberté et de contraintes, aussi.

 

Quels sont les challenges que vous rencontrez en tant que jeune compagnie de danse ?

 

Chaque création est un pari fou. Le plus gros challenge pour la compagnie est la diffusion. Nous aimerions pouvoir rencontrer plus souvent les professionnels afin de pouvoir proposer au public une tournée plus conséquente de nos pièces.

Nous sommes également à la recherche d’opportunités pour mutualiser des compétences et des savoir-faire, plus particulièrement côté production et diffusion. Comme pour toute petite structure, il nous manque du temps et du personnel.

La danse contemporaine est aussi un challenge en soi. Il faut donner l’envie aux gens de se déplacer.

 

Quels sont les futurs projets de la compagnie Aéronef ?

 

La pièce « S » se reproduira encore une fois dans les Vosges au Trait d’Union à Neufchâteau le 1er février 2020.

Nous sommes en pleine création pour l’automne 2020 avec le danseur Sébastien Cormier. Cela s’intitulera « Une Aube (un crépuscule) ». La Méridienne à Lunéville nous accueille pour une résidence de création. Puis nous serons au Théâtre de la Rotonde à Thaon-les-vosges, Capavenir.

Nous cherchons également une autre résidence de création dans les Vosges. (Pour prendre contact avec Anne Marion : compagnielaeronef@gmail.com)

Cette nouvelle pièce parle du couple. C’est l’attelage et le dialogue de deux corps contenus dans un nid. J’avais pour désir de me pencher sur la question de la relation, de l’individu dans la relation, de l’alliance, de la combinaison des individualités.

Je voudrais écrire et chorégraphier le poème d’un couple métaphoriquement sous le joug (« unir, joindre, mettre sous le joug ») : resserrés dans une unité de temps, une unité de lieu, resserés dans leur relation.

 

Prochaines représentations :

« S »
> 1er février 2020 au Trait d’Union à Neufchâteau

« Une Aube (un crépuscule) »
> 6 novembre 2020 à la Méridienne, théâtre de Lunéville
> 27-28 novembre 2020 au théâtre de la Rotonde à Thaon-les-Vosges dans le cadre du salon Cousu du Fil Rouge.

Pour plus d’informations sur la compagnie L’Aéronef 

Page Facebook : @aeronef

Crédits photos : ©Aeronef

 

Lorelyne Foti de la compagnie Ultreia nous parle de « Trust »

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Lorelyne Foti, metteure en scène de la compagnie Ultreia

 

 

La danse, le chant, le théâtre, … qu’est-ce qui vous a poussé à vous lancer dans ce métier-passion ? Pouvez-vous nous raconter un peu votre parcours en tant qu’artiste ?

 

Je suis née à Epinal. J’ai commencé dans le milieu sportif, plus précisément en tant que patineuse artistique, pour ensuite me tourner vers la danse et le théâtre.

Je suis diplômée de l’Ecole Claude Mathieu en art et techniques de l’acteur – et de l’AICOM à Paris (Académie Internationale de Comédie Musicale) en chant, danse et théâtre.

J’ai complété ma formation auprès de Chet Walker aux Etats-Unis (Professional advancement award in Jazz musical Theater dance). Nous étions 24 étudiants boursiers de plusieurs nationalités. C’était une réelle richesse de rencontrer d’autres jeunes qui avaient différentes manières de travailler.

J’ai également récemment suivi une formation en dramaturgie à l’Université de Lausanne où j’ai pu allier voix, corps et texte.

A Paris j’ai vécu une période où je ne savais pas ce que je racontais. J’ai joué dans de nombreuses pièces et spectacles musicaux de renommée, en tournée dans toute la France et à l’étranger, mais je n’étais plus en accord avec les projets qu’on me proposait. A un moment je me suis demandée : « pourquoi je monte sur scène ? »

Puis je suis arrivée à saturation et j’ai décidé de faire une marche de Paris jusqu’à Saint Jacques de Compostelle pour me confronter à moi-même. C’est là que j’ai entendu « ultreia » [du latin ultra – au-delà et eia – vers], une façon pour les gens de saluer les pèlerins et dire « bon voyage ». C’était un parcours difficile, mais je me faisais la promesse tous les jours d’avancer (ultreia !). Pour moi, c’était un chemin initiatique où j’ai créé du lien et du sens. L’année qui a suivi, j’ai créé la compagnie Ultreia.

 

 

La compagnie Ultreia, créée en 2013, s’attache à construire des ponts entre les disciplines – danse, musique, voix, théâtre. Pour vous, cet aspect pluridisciplinaire fait la richesse de cette compagnie ?

 

La compagnie Ultreia est un cerveau collectif qui laisse la place aux personnes de créer, selon leurs compétences (son, lumière, scénographie, numérique, danse, etc). De plus, chaque personne a un profil pluridisciplinaire (vidéo + son / scénographie + lumière / comédie + danse ou chant, …).

Toutes mes expériences et mes rencontres m’ont permis d’élargir ma palette. J’ai fait de la danse, du chant, du théâtre et maintenant je veux réellement tester l’écriture.

 

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Vous concevez des stages, des ateliers de pratique artistique et des actions de médiation culturelle pour tout type de publics. Qu’avez-vous envie de transmettre aux autres ? 

 

La compagnie s’articule autour de 3 grands axes :

  • La création
  • La recherche artistique (notre laboratoire)
  • L’action culturelle

Ce dernier est très important pour moi.

Tout d’abord, j’ai eu de très bons professeurs tout au long de mon parcours, notamment au Théâtre du Soleil, qui m’ont donné l’envie d’enseigner.

La Cie Ultreia a également mené le projet citoyen « Confiance : Tous Acteurs » autour de la confiance en soi, en l’autre et en l’avenir. Avec le soutien des ATP nous avons invité des personnes qui n’ont jamais été sur scène et qui sont devenus créateurs et acteurs sur scène et au-delà, dans leurs vies de tous les jours. Nous avons voulu insuffler une énergie pour que cela devienne un collectif.

J’aime concevoir des actions culturelles pour des publics qui n’ont pas accès à la culture et donner une voix aux gens qui n’ont pas l’habitude d’être écoutés.

 

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Vous oeuvrez notamment pour sensibiliser les jeunes au théâtre ? Quel est votre retour d’expérience ?

 

J’adore faire des actions auprès des jeunes (collège, lycée). C’est le public de demain, les citoyens de demain, les futurs porteurs de projets. Les jeunes d’aujourd’hui sont conscients de plus de choses, grâce aux réseaux sociaux. Et à cet âge on se pose beaucoup de questions.

Il faut une école du spectateur, un théâtre immersif. Les ateliers de théâtre leur donnent confiance. On leur donne des outils et on les aide à développer un esprit critique. Cela crée du dialogue et du débat.

Le territoire vosgien est un formidable laboratoire d’expériences et il faut multiplier les actions envers les jeunes.

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Qu’est-ce qui vous donne envie de porter une œuvre théâtrale et d’y mettre votre empreinte ? Qu’est-ce qui vous a amené à faire le choix de « Trust » par exemple ?

 

« Trust » est une pièce de Falk Richter écrite en 2009 après la crise des « subprimes ». Mais aujourd’hui, c’est toujours d’actualité. On vit dans une société qui prône l’avoir au lieu de l’être. Il y a de plus en plus de « burnout » et de suicides.

En lisant le texte de Richter, quelque chose a résonné en moi. C’était des questions que je me posais en tant qu’artiste. Puis j’avais envie de choisir une œuvre contemporaine.

J’ai été séduite par la forme : « Trust » est écrit comme des pièces d’un puzzle. Aucune indication… pas de distribution… parfois même aucune ponctuation. Dans le texte original on peut lire « je crois que je suis en train de m’effondrer, tout simplement ». Puis, une page blanche. Il faut traiter cette page blanche avec le corps, la musique, le mur… comme on traite le vide. Cela m’a semblé fascinant. Un vrai challenge.

 

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La liberté (liberté d’expression théâtrale, liberté de mise en scène, liberté du corps à travers la danse, …) est quelque chose d’important pour vous ?

 

Sans liberté, il n’y a pas de création. On ne serait que des exécutants.

Dans la pièce « Trust », par exemple, j’ai pris énormément de liberté avec la musique. J’ai fait le choix de deux arrangements musicaux particuliers avec 3 niveaux de lecture : le texte, la musique et le cri de justice sociale. Je vous laisse le plaisir de découvrir cela lors de notre prochaine représentation.

Dans cette liberté, j’essaie cependant de créer un cadre très précis. Et dans ce cadre, les acteurs ont cette liberté de s’approprier des choses. J’ai un vrai échange avec les comédiens et toute l’équipe technique. Et on évolue tous grâce au public.

 

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Lors de la représentation, le public découvre une mise en scène épurée avec un grand mur qui permet de jouer sur la transparence et le reflet. On voit des ombres, on voit le reflet des acteurs, on voit des jeux de lumières, des projections de chiffres et puis on découvre même, nous, public, notre propre reflet dans le miroir… Racontez-nous un peu le concept de ce mur unique et original.

 

Pour commencer, je souhaitais quelque chose qui ressemble à la façade d’un building de quartier financier.

Falk Richter écrit : « on est tous au pied du mur ». Je souhaitais un grand mur pour donner une sensation d’écrasement et d’étouffement. Il fallait que l’espace se rétrécisse, que le décor bouge peu à peu vers l’avant, réduisant progressivement l’espace de jeu pour finir en avant-scène mettant comédiens et spectateurs au pied du mur dans un « sans issue » face à eux-mêmes. Le système nous écrase… et nous citoyens poussons le système.

Notre laboratoire artistique a permis de réfléchir à la conception de ce mur et les projections vidéos et numériques sur la surface de cette structure. On a une belle équipe avec d’excellents techniciens qui étaient tous force de proposition.

Ce mur est un élément principal de la pièce qui permet de jouer sur 2 points de vue selon l’éclairage… mais je n’en dis pas plus !

 

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A découvrir …
Prochaine représentation de « Trust » : le 10 janvier 2020 à l’Espace George Sadoul, Saint-Dié-des-Vosges

 

Pour plus d’informations sur la compagnie Ultreia :

Site web : www.compagnieultreia.fr
Facebook : @compagnieultreia1

Crédits photos : ©PierreDolzani

L’artiste Setou et son exposition « Laissez parler les images »

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L’artiste Setou (Sylvie Maison)

 

Afin de soutenir la création artistique sur le territoire des Vosges, le Conseil départemental des Vosges ouvre ses portes aux artistes locaux. Quatre artistes ont été sélectionnés par un jury parmi 14 candidats. Setou est la 1ère artiste qui exposera ses oeuvres durant 3 mois. Elle sera suivi par 3 autres artistes vosgiens courant 2020. 

 

 

Pouvez-vous nous retracer un peu votre parcours d’artiste ?


J’ai eu envie de regarder là où on ne regarde pas.

J’ai fait une formation beaux-arts dans le Nord, plus précisément à Tourcoing, cependant ce n’est pas l’école qui rend artiste.

Mon parcours d’artiste se mélange à mon parcours d’existence. Mon art a grandi en Afrique de l’Ouest où j’ai vécu une dizaine d’années, plus précisément à Dakar au Sénégal. Cet éloignement de la France, cette immersion dans une culture nouvelle, m’a permis un cheminement vers la réappropriation de mes propres racines.

J’ai vécu une forme de métissage culturel, j’ai été saisie par la spiritualité et le côté mystique de l’Afrique noire. Ce vécu m’a permis d’opérer une forme de lâcher-prise par rapport aux contingences du quotidien occidental. Cela m’a aidé à m’assumer en tant qu’artiste, peintre et performeuse et à donner un sens à ma quête d’expression.

Avant le Sénégal, j’ai commencé mes 1ères expositions collectives à Paris. J’étais tellement timide, je me cachais souvent devant la presse. Pour la petite anecdote, un journaliste a pensé au début que j’étais un homme jeune, africain. Et ce même journaliste, étonné de rencontrer une jeune femme française, a pensé que j’avais vécu en Afrique. Lorsque je lui ai répondu que je n’y ai jamais mis les pieds, il m’a conseillé de m’y rendre.

Je suis donc partie une 1ère fois à Dakar où j’ai découvert le Village des Arts, un espace dédié à l’art contemporain où une cinquantaine d’artistes occupent leurs ateliers.

J’ai pu dans la foulée faire 2 résidences d’artistes dans ce lieu de création et par la suite j’ai décidé de fonder une association en France qui a permis à quelques jeunes artistes émergents sénégalais de réaliser des résidences d’artistes de 3 mois (2 mois de création, 1 mois d’exposition). A ce titre, j’ai été soutenue par le Conseil départemental des Vosges à l’occasion des 4 résidences qui ont eu lieu, ainsi que par le Ministère de la Culture du Sénégal.

 

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Quels sont les artistes d’hier et d’aujourd’hui qui vous ont inspiré tout au long de votre parcours ?

Il y en a tellement.
Par exemple, Jean-Michel Basquiat, Francis Bacon, Marc Chagall, Henri Matisse, …
Et puis certains artistes conceptuels qui ont travaillé avec leurs corps.

Quel est le point de départ d’un tableau, la genèse d’une œuvre (une image, un rêve, un souvenir, une émotion, une souffrance, le hasard, un mélange de plusieurs choses, …) ?


Oui, c’est un mélange de tout ça…
Selon moi, l’artiste est une éponge. Sa vision se doit d’être en quelque sorte circulaire. En ce qui me concerne, je parle d’hier, d’aujourd’hui et de demain. Je suis à la fois à l’intérieur et à l’extérieur. Il y a à la fois quelque chose d’organique, d’intellectuel et de spirituel.

Au final, il en résulte des histoires, des sortes de légendes contemporaines ; je tente de sortir de l’évidence tangible.

J’essaie de proposer une vision onirique d’un quotidien transgressé, dans cette démarche je souhaite rester figurative afin de demeurer accessible.

 

 

 

On respire la culture africaine dans vos peintures. Votre « tribu d’images » comme vous nommez vos œuvres, est-elle un cri d’amour pour l’Afrique qui vous manque ? Un reflet de son absence et un rappel que vous êtes toujours auprès d’elle ?


Non, pas forcément… Il y a une déchirure en moi entre deux mondes, à savoir l’Occident et l’Orient, et paradoxalement cette fracture devient un outil de création, où l’Afrique est bien sûr très présente et m’habite.

 

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Il y a un rapport unique avec la couleur… Dans vous tableaux, on découvre des couleurs chatoyantes, à la limite de la saturation avec une intensité lumineuse et des couleurs pures. Pourquoi ce choix chromatique ? 


Ce n’est pas un choix. Sur cette exposition je propose des œuvres issues de mes 3 dernières collections. La plus ancienne avec des couleurs quasi primaires, les peintures datant de 2018 avec beaucoup plus de couleurs et les plus récentes de 2019 beaucoup plus chargées avec des œuvres plus en texture et moins lisses.

Le rouge est une couleur souvent prédominante dans mes peintures, peut-être est-ce parce que c’est une couleur proche de la vie, la couleur du sang. D’ailleurs j’ai travaillé avant avec du sang de bœuf, mais cela est interdit aujourd’hui.

J’ai accepté la couleur… je suis allée vers les couleurs. Je les veux violentes, fortes, contrastées.

 

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Le mouvement est là, présent. Nous spectateurs, on entre dans le mouvement, on suit les traits, les tracés du peintre, l’énergie du geste. Vous, l’artiste, tout votre être fond dans le décor, vos pensées circulent sur la toile. Puis ce mouvement constant entre Orient et Occident, cette déchirure sans cesse renouvelée. Comment crée-t-on ce mouvement… qu’est-ce qui se passe en vous ?


Je continue de décliner ma « tribu d’images », êtres réels et êtres inventés, ceux-ci s’imbriquent entre eux. Je leur donne une histoire, je raconte …

Et chaque personne regardant mes toiles pourra s’approprier un morceau d’histoire qui lui parlera d’avantage qu’un autre.

J’aime beaucoup travailler sur grand format qui nécessite une grande dépense d’énergie à la fois physique et mentale. C’est une sorte de combat avec la toile. D’où le fait que bien souvent j’ai voulu réaliser des performances où je mettais en scène mon propre corps comme ultime matériau de création.

 

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On ressent beaucoup de dualités… ou finalement d’harmonies… entre 2 choses opposées. Intérieur et extérieur, songe et réalité, homme et femme, le mystique et le quotidien, vie urbaine et nature/animaux, liberté et cadre, souffrance et espoir, … Vous pouvez nous en dire plus ?

En fait, j’aime le concept d’une sphère mouvante et vibratoire à l’intérieur de laquelle nous gravitons tous, parfois en paradoxes parfois en harmonies.

Il n’y a pas de juste milieu, de juste équilibre. Juste une infinitude de centres qui se déplacent à l’infini.

 

 

 

Vous associez souvent mots et images. Pour vous, les mots sont une sorte de transcription de vos œuvres, un miroir ? Les mots sont au service de l’œuvre ?


Les mots viennent dans les moments de pause dans mon atelier et font partie intégrante de mon univers de création.

Je ne raconte pas mes peintures avec mes mots… ce n’est pas une retranscription, j’ai l’idée en écrivant de permettre aux gens de rentrer davantage dans mon processus de création. Et les mots sont des images aussi.

J’essaie de livrer une explication poétique de mon travail avec les mots.

 

 

TEASER DE L’EXPOSITION « LAISSEZ PARLER LES IMAGES »

 

 

Travaillez-vous avec des publics différents dans le cadre d’ateliers de pratique artistique ? Et qu’avez-vous envie de transmettre ?


Oui. J’ai réalisé des ateliers pour des adultes (néophytes et personnes ayant déjà une pratique artistique).

J’aime travailler avec des publics singuliers (les malades mentaux, les handicapés mentaux, les malentendants, … ).

J’ai notamment aimé réaliser une installation artistique avec des personnes du spectre autistique dans laquelle j’ai mis un parallèle entre l’enfermement mental de l’artiste en processus de création et l’enfermement mental des personnes handicapées. La communication entre le langage de l’artiste et le langage de ces personnes fût très fluide. Et de cette rencontre naissait une sorte de « porte de sortie ».

Il était très important d’être extrêmement naturelle pour ce type d’échange.

Quels sont vos futurs projets artistiques (d’autres expositions, des performances, de nouvelles créations) ?

Bien sûr, l’envie de créer est bien présente. Bien que je travaille 365 jours dans ma tête, j’ai besoin pour créer de ne pas être parasitée par le quotidien, de m’extraire d’une forme de réalité. Je travaille donc par sessions.

 

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L’exposition « Laissez parler les images jusqu’au 7 février 2020, du lundi au vendredi de 9 h à 12 h et de 14 h à 16 h 30 en accès libre.

Pour plus d’informations sur l’exposition « Laissez parler les images » et l’artiste Setou :

Facebook : @setousetou

 

Crédits photos : ©CD88//JL et ME

Exposition « Qu’est-ce qu’on mange ? » aux Archives départementales des Vosges

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Rencontre avec Nicole Roux, responsable de la valorisation culturelle, Archives départementales des Vosges

Pourquoi avoir choisi ce thème universel « Qu’est-ce qu’on mange ? » ?

 

Je suis en poste depuis 2002 au sein des Archives et nous avons traité de nombreux thèmes (le chemin de fer, la photographie patrimoniale, Jules Ferry, entre autres …). Cette année nous abordons un sujet plus contemporain afin d’impliquer un public nouveau ou qui ne vient pas habituellement aux Archives.

 

L’exposition est un vrai parcours allant de la terre nourricière et l’aliment brut jusqu’à nos tables et nos estomacs. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce voyage ?

 

Quand on aborde un sujet aussi vaste, on doit faire le choix entre aborder un aspect spécifique que l’on détaille ou aborder toutes ses composantes. J’ai choisi la seconde option… car je suis une gourmande ! L’exposition est organisée selon une ligne conductrice, on peut aller de cette terre nourricière à la table, mais on peut aussi « picorer » l’exposition en passant d’un thème à un autre, selon les envies.

 

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Peut-on parler de patrimoine culinaire ? Et de patrimoine culinaire vosgien, plus précisément ?

 

Patrimoine culinaire français, oui, mais je ne m’y arrête pas. Dans les Vosges, les plats à base de lard ou de pommes de terre sont au cœur des menus, mais on les retrouve également dans d’autres régions. Cependant il existe un vocabulaire très spécifique autour de ces plats. Je dirais que le patrimoine culinaire vosgien se reflète dans le vocabulaire ou dans les recettes adaptées aux goûts locaux.

En outre, les Vosges disposent d’un vrai patrimoine lié aux arts de la table avec les couverts de Darney, le linge de Gérardmer, la verrerie de Portieux. L’industrie est ici représentée sans prendre une part trop imposante.

 

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Nous habitons un territoire fortement rural. La terre nourricière, l’agriculture sont-ils des facteurs importants ?

 

Oui, il y a un impact fort. Je n’ai pas compulsé les études statistiques contemporaines sur ce sujet, souhaitant une approche plus historique, on retrouve un fort impact sur les productions, l’évolution des prix des denrées, les problèmes liés aux famines, etc.

 

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À travers l’exposition, nous pouvons suivre l’histoire alimentaire de la France. L’histoire et la nourriture sont-elles étroitement liées ?

 

À partir d’un maximum d’exemples vosgiens, j’ai voulu montrer le contexte historique et alimentaire général. Par exemple, j’ai abordé les restrictions alimentaires en temps de guerre par le biais des approvisionnements de pommes de terre de 1917, les tickets de rationnement et les régimes pour les enfants lors de la 2nde Guerre mondiale.

 

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Racontez-nous un peu ce travail de recherche de documents d’archives pour l’exposition qui a dû être long, minutieux et des plus intéressants.

 

Quand on parle d’alimentation, on est amené vers des sources diversifiées : cartes postales, statistiques agricoles, affiches, journaux, …. Les journaux, par exemple, ont été peu utilisés sur les précédentes expositions et ont été ici une source très riche. Puis il y a des recherches en archives anciennes qui prennent plus de temps pour leur dépouillement. J’ai eu la chance de travailler avec une stagiaire, Agathe Rivet (étudiante en Master 2 Histoire, Civilisation, Patrimoine) pendant 4 mois qui m’a beaucoup aidée sur la partie recherche, sélection de documents, scénographie, …. Cela est toujours très enrichissant et j’aime particulièrement transmettre et travailler en équipe.

 

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Vous parlez des aspects positifs de la nourriture, mais vous abordez également les aspects négatifs (les dangers, les problèmes phytosanitaires, les fraudes, …).  Finalement, l’alimentaire a toujours été source de scandales et polémiques ?

 

Oui. Finalement, quand on regarde, nombreux sont ceux qui se sont sentis obligés de « gruger » pour ne pas gaspiller une denrée invendable ou de faire plus de profit, parfois par méconnaissance du danger sanitaire. Quand on prend l’exemple du poisson vendu sur les marchés au XIXe siècle, en fin de journée, certains marchands badigeonnaient parfois de sang les ouies des poissons afin qu’ils paraissent roses et frais sans forcément se rendre compte que les consommateurs pouvaient en mourir. Aujourd’hui, il y a moins de scrupules, on ne peut plus dire que l’on ne savait pas.

 

Avez-vous une recette locale archivée à nous faire partager aujourd’hui ? Peut-être quelque chose à base de « pouarotte » [mot signifiant « pomme de terre » issu de dialectes vosgiens]?

 

Non, pas vraiment. Rares sont les recettes dans nos collections, mise à part quelques recettes de confitures, de sirops ou de vinaigres.

 

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Il y a cette notion de « Qu’est-ce qu’on mange ? », mais également cette notion de « comment mange-t-on ? » avec un aperçu des codes du service à table, des arts de la table et de la restauration. C’est une volonté de l’exposition de montrer que manger crée également du lien, des émotions et du plaisir ?

 

Ça me semblait indispensable d’évoquer la mise en scène du repas au fil du temps. Les aliments sont une chose, mais avant de les consommer, on part des ustensiles de cuisine pour arriver aux arts de la table, dans les Vosges, nous avons un véritable savoir-faire.

Quant au patchwork de photos de repas de famille, de plats spécifiques ou de tables de fêtes …, c’est l’idée qu’il y a des gens derrière tout cela : qui va cuisiner et pour qui ?

 

 

 

Vous avez toute une panoplie d’ateliers pédagogiques et d’animations autour de l’exposition ainsi que des jeux concours pour faire participer le grand public. Pouvez-vous nous en dire plus ?

 

Par exemple, le 30 novembre prochain, nous proposons une animation sur la cuisine du futur. Les chefs de cuisine des collèges des Vosges sont invités à participer à un défi culinaire portant sur des desserts trompe-l’œil. Une numérisation en 3D des desserts sera réalisée sous les yeux des participants (entrée sur réservation, gratuit).

Côté jeux concours, nous avons le concours « À vos tartes… tartez ! » le samedi 23 novembre à 14h. Deux catégories sont proposées : les tartes aux fruits et les tartes gourmandes. Le lauréat de chaque catégorie gagnera un cours de cuisine.

Nous avons également le concours « Des papilles et des yeux », un concours de photographies d’assiettes. Cuisinez et dressez une jolie assiette puis photographiez votre chef d’œuvre. Une sélection des plus belles photographies fera l’objet d’un livre numérique disponible sur notre site internet.

 

 

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Question plus personnelle maintenant, qu’est-ce qui vous a marqué dans cette exposition ? Un souvenir à partager avec nous ?

 

On nous a prêté pour l’exposition un carnet de recettes d’une femme résistante ayant survécu au camp nazi de Ravensbrück. Des recettes qu’elle a écrites et échangées avec d’autres prisonnières… on se dit que peut-être ces échanges lui ont permis de ne pas sombrer… Cet objet a une réelle histoire. On ne peut pas y rester indifférente.

J’ai également été marquée par le menu datant de 1870 où figurent des animaux du Jardin d’Acclimatation de Paris. Ce n’est pas tous les jours que nous voyons sur un menu de restaurant du « haricot de chien », du « filet d’éléphant », du « phoque savant » et du « plum-pudding à la graisse de bosse de chameau » !

 

 

Pour plus d’informations sur l’exposition:


« Qu’est-ce qu’on mange ? »
www.archives.vosges.fr

 

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A bord de l’Art Bus de La Lune en Parachute

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Rencontre avec Sophie Bey

 

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Sophie Bey, coordinatrice culturelle de l’association La Lune en Parachute

 

 

Pour vous, l’art contemporain dans les Vosges, ça vit, ça respire, ça bouge ? Etes-vous satisfaite de son rayonnement culturel ou y a-t-il encore beaucoup de boulot ?

 

Si on prend le territoire dans sa totalité, ça va. Mais il y a encore du boulot, particulièrement dans les zones rurales. Il y a encore de l’énergie à mettre dans les « zones blanches », comme on a pu le constater dans l’état des lieux mené par le Conseil Départemental des Vosges.

L’art contemporain n’est pas réparti égalitairement sur le territoire. Même si il y en a partout, les liens ne se font pas toujours.

L’Art Bus a d’ailleurs été pensé pour palier à ce manque.

Le concept de l’Art Bus est né il y a 14 ans de 2 constats :
1) la problématique du public, et notamment les ados, qu’on voit de moins en moins dans les lieux culturels publiques.
2) la problématique du territoire et cette question de comment répartir l’offre culturelle sur tout le territoire. Commente irriguer le territoire.

J’aime beaucoup cette image « d’irriguer » … on sème des graines, on ne sait pas si cela va pousser, si les conditions sont assez clémentes.

 

 

Qu’est-ce qui vous a donné l’idée de créer ce projet pédagogique unique en France ?

 

L’Art Bus est vraiment un projet auquel on croit.

On se déplace vers le public. On fait un pas vers eux. On n’attend pas qu’ils viennent dans un lieu d’art, on va directement dans les collèges. C’est un vrai lieu de mixité sociale.

Cela permet une vraie démocratisation et accessibilité à l’art pour ne pas rester sur l’élitisme. C’est l’art pour tous. Il y a un vrai moteur éthique derrière.

 

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L’Art Bus, est-ce une bonne recette pour intéresser les jeunes à l’art ?

 

C’est proposer une régularité avec laquelle le public sera en contact avec 1 œuvre d’art. Cela forge le regard. Qu’on aime ou qu’on n’aime pas, là n’est pas la question. On peut mieux définir ce qui nous touche, nous parle, nous interpelle… et si une méthode artistique nous plaît plus qu’une autre.

Les professeurs font un travail de médiation culturelle merveilleuse. Suite à l’Art Bus, de magnifiques projets ont pris forme. Ils sont vraiment nos alliés.

 

Quels sont les retours que vous avez des élèves et du corps enseignant ?

 

Une petite anecdote … j’entends souvent « ah oui, l’Art bus » de lycéens que je rencontre qui se sont souvenu de cette opération dans leur ancien collège. Finalement, pour certains c’est leur 1er contact avec l’art contemporain. C’est une belle reconnaissance pour La Lune en Parachute. Ça nous montre que ce qu’on fait a vraiment du sens.

 

Pourquoi cibler uniquement les collèges ? Pourquoi pas les primaires, les lycées ? 

 

Dans la naissance du projetc’était une bonne logique de cibler les collèges étant donné que le Conseil Départemental des Vosges gèrent les collèges sur le territoire.

L’Art bus c’est une petite goutte d’eau par rapport à tout ce qui peut être fait. Nous aurions comme souhait de développer l’opération Art Bus de manière plus large, hors temps scolaire par exemple.

Notre rêve serait de pas juste nous confiner aux collèges, mais d’offrir l’opération au plus grand nombre : les places des villages, les primaires, les lycées, les foyers ruraux, …

Il y a un gros potentiel, mais il faudrait un 2ème salarié.

 

Une enseignante d’arts plastiques chargée de mission par la Délégation Académique des Arts et de la Culture élabore chaque année un dossier pédagogique autour de l’exposition dans le bus. Cet outil est-il une réelle richesse pour les enseignants ? 

 

Cela est une vraie richesse.

Nous n’avions pas de chargée il y a 9 ans. On livrait une expo et on laisser les collèges en disposer comme ils le voulaient. Nous avons professionnalisé tout cela suite au passage de 2 expositions moins accessibles et plus difficiles à comprendre ou aborder.

Cette enseignante chargée de mission a pour mission de :
1) préparer une mallette numérique destinée aux collèges où elle y intègre des idées de séquences, de la documentation d’artistes en lien avec l’exposition, …
2) faire un bilan avec le nombre de participants, de projets de classe. Cela donne une belle visibilité pour nous en tant qu’association.

Cela n’empêchent pas beaucoup de professeurs de collège d’élaborer eux-mêmes leurs séquences, ils ne manquent pas d’inventivité ! Mais c’est quelque chose mis à leur disposition, sans obligation, avec des orientations proposées pour ceux qui veulent.

 

Comment expliquez-vous le succès de l’Art Bus qui existe maintenant depuis 14 ans ?

 

La Lune en Parachute est une association avec un beau parcours dans le temps et avec des soutiens qui ont grandi. Puis on ferait rien sans nos bénévoles.

Le Conseil Départemental et Transdev Grand Est sont 2 partenaires clés pour la création de l’opération de l’Art Bus.

Aujourd’hui, cela représente 15 établissements et 4000 élèves.

Il y a également une forte collaboration avec l’Education Nationale et la DRAC.  On couvre également un réseau d’éducation prioritaire (en moyenne 2 à 3 par an sur nos itinéraires) et ils nous guident sur nos choix, nous aident dans nos besoins pour certaines zones.

On parle de plus en plus de zones blanches. L’Art Bus s’inscrit de mieux en mieux à un besoin réel sur le territoire.

 

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Rencontre avec Hélène Bleys

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Hélène Bleys, jeune artiste qui expose dans l’Art Bus pour l’édition 2019

 

 

Qu’est-ce qui vous a poussé à devenir artiste ? Racontez-nous un peu votre parcours.

 

Je ne suis pas née avec un crayon dans la main, mais ces gestes de dessin comme quand j’étais enfant sont restés. Finalement, c’est resté mon langage. C’est venu tout seul, naturellement. J’ai fait les beaux-arts à Nancy. Le dessin est devenu un refuge pour moi. Ce n’est pas confortable mais réconfortant.

 

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Pouvez-vous nous décrire l’univers que vous avez souhaité installer dans l’Art Bus cette année ?

 

C’est une sélection de dessins puisés de mes productions antérieures. Je voulais mettre en avant des images qui pouvaient créer un écosystème fantasque. L’idée est de représenter l’Homme, l’animal et la nature… et de les faire cohabiter sans les hiérarchiser. C’est comme un songe, teinté d’onirisme.

 

 

 

Quels sont les messages que vous souhaitez faire passer dans vos œuvres ?

 

Il peut y avoir plusieurs regards. Ce n’était pas mon souhait de diriger vers 1 seule et unique affirmation.

Cela représente un monde en mutation qui peut retentir en nous … l’écologie, la mutation transgénique, etc. C’est une réaction au monde, déjouer et jouer de son activité.

C’est une suggestion, un regard sur ce qui se passe, sans pour autant être en mesure de changer les choses.

Et puis le dessin, c’est le langage de l’enfance… ça peut parler à tous.

Le principe de l’exposition :

Un espace d’exposition dans 1 bus avec pour mission de le déjouer, de sortir du cadre et aller vers quelque chose de plus fantasque.

Plusieurs dimensions de dessin sont représentées :

  1. les dessins muraux
  2. les dessins encadrés
  3. les dessins qui débordent du cadre
  4. les céramiques pour donner l’impression que les dessins ont pris une forme 3D

 

 

 

Il y a un réel paradoxe dans vos œuvres qui sont à la fois épurées et simples mais en même temps si complexes et remplies de détails. Quelle était votre volonté artistique ?

 

J’ai voulu décontextualiser avec des formes autonomes.
C’est le plaisir du dessin reflété, le plaisir de se perdre dans les gestes.

J’ai une réelle fascination pour les textures. Puis une fascination à apprendre à regarder les choses, de manière macroscopique. Cette volonté aussi de montrer beaucoup de choses et d’aller jusqu’au bout. L’esthétique de la saturation me plaît beaucoup.

Il y a aussi ce rapport au temps, avec la lenteur.

 

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Vous rentrez dans les détails… de l’animal, du corps humain… extérieur comme intérieur, Quelles réactions avez-vous eu du grand public ? Est-ce que cela dérange parfois ?

 

Peut-être quelques froncements de sourcils de temps en temps.

J’ai une fascination pour ce qu’on trouve dans l’encyclopédie, cela me terrorise. C’est une sorte de catharsis pour moi… pour montrer qu’on n’est pas juste une âme.

Et puis les cheveux, intestins, tentacules… se sont des formes liées à la ligne du dessin. Le geste de nouer, entremêler et toute l’interprétation qu’on leur donne. C’est une référence au dessin.

 

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Avez-vous des conseils pour des jeunes artistes qui désirent se lancer dans l’art contemporain ?

 

Je débute à peine moi-même… mais si je dois conseiller une chose… La pratique devrait être de l’ordre du jeu. Il faut s’enlever des barrières et faire les choses en jouant, sans gravité.

 

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Pour plus d’informations sur La Lune en Parachute :


Site web : https://laluneenparachute.com/
Facebook : laluneen.parachute
Instagram : @la_lune_en_parachute

 

Pour plus d’informations sur Hélène Bleys :


Site web :https://www.helenebleys.com/
Instagram : @helenebleys

Crédits photos : ©CD88/MEghtesad

 

 

« Suzy Storck » au Théâtre du Peuple

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Simon Delétang, directeur du Théâtre du Peuple – Maurice Pottecher

 

 

Ce lieu, classé monument historique depuis 1976, contribue-t-il à l’art ? Comment fait-il partie intégrante des œuvres théâtrales qui se présentent sur scène ?

 

Avant d’être un bâtiment, c’est un projet… une utopie. L’art accessible au plus grand nombre. Depuis 1976 cette volonté y est ancrée. L’idée est de donner au public des œuvres exigeantes, de leur faire découvrir le théâtre.

Chaque directeur amène son projet. C’est un lieu au service de l’art, un lieu chargé de cette dimension « art » au sens noble.

Ce lieu induit les œuvres qu’on désire monter. Il est inspirant de par son architecture (portes qui s’ouvrent sur la forêt) puis par l’envie de mettre en scène des auteurs vosgiens.

 

 

 

Les Vosges, et cette scène avec un fond qui s’ouvre sur la forêt, est-ce une source d’inspiration pour les acteurs culturels et pour vous ?

 

Certains auteurs écrivent pour le Théâtre du Peuple.

Certains metteurs en scène, tel que Jean-Yves Ruf (« La Vie est un Rêve ») rêvait de travailler ici.

Finalement tout le monde est au service du lieu. Inspiré par la scène qui s’ouvre, le metteur en scène cherche quelle valeur lui donner. Comment la forêt devient un espace poétique et cinématographique. Trouver une analogie avec son propre travail pour y faire figurer la forêt de Bussang. Chacun est libre de s’en inspirer comme il le souhaite.

 

 

 

Vous êtes Directeur du Théâtre du Peuple depuis octobre 2017. Quels ont été les challenges les plus marquants rencontrés ? Quels sont les succès dont vous êtes le plus fier ?

 

Je ne sais pas si on peut vraiment parler de succès dans l’art…
Mais l’expérience la plus marquante pour moi a été de partir à pied du Théâtre du Peuple et d’aller à la rencontre des gens.

Ce projet a commencé en 2018 au nord de Bussang. En 4 ans, j’aurais sillonné tout le territoire avec une réelle dimension interrégionale. Côté sud vers la Franche-Comté cette année et pour finir en 2020-2021 coté est, vers l’Alsace.

J’ai joué dans les églises et les salles de fêtes. Les spectateurs avaient la possibilité de marcher à mes côtés. Je dormais chez les habitants.

Créer l’art auprès des gens, créer du lien. Leur rappeler que le théâtre est un lieu vivant et qu’on peut sortir du bâtiment. Et inciter les gens ensuite à venir au Théâtre du Peuple. Beaucoup connaissaient le théâtre, mais n’y étaient jamais allés.

Je suis fier de cette expérience. Je la vie intensément, seul dans la montagne. C’est une réelle performance physique et expérience humaine enrichissante.

 

 

 

Artiste, metteur en scène, directeur, … qu’est-ce qui vous a poussé à vous lancer dans ce métier-passion ?

 

J’étais très tôt au théâtre, vers 3-4 ans. J’étais souvent mis devant des pièces de théâtre. J’ai commencé le théâtre vers 14 ans dans un atelier au collège. J’étais très vite intéressé par ce qui se passait derrière la scène.

J’ai effectué un stage entreprise en 3ème à Limoges où j’ai découvert le métier de régisseur plateau. J’ai fait un cursus option théâtre au bac.

Je voulais tout faire : la mise en scène, la régie et jouer… Et aujourd’hui, je n’ai pas eu à renoncer à l’un ou l’autre. Je combine toujours les 2 ou les 3 dans mes créations.

La passion est venue aussi des spectacles que j’ai vu. Ce n’était pas un déclic…. Si ce n’est que la 1ère fois que je suis monté sur scène.  Là il s’est passé quelque chose en moi d’inexplicable.

 

 

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Vous avez souhaité créer un réel lien et une collaboration entre amateurs et professionnels. Pourquoi est-ce si important pour vous ? Quelle richesse est-ce que cette collaboration apporte à l’art ?

 

C’est l’histoire du Théâtre du Peuple et presque une obligation pour Bussang. L’après-midi on réunit des amateurs et des professionnels.

C’est ici que j’ai découvert les vertus de ce mélange. Les professionnels se ressourcent au contact des amateurs et les amateurs rehaussent leur degré d’exigence. Travailler avec les gens dans la vraie vie, des gens qui ont un travail ou qui sont retraités, c’est une réelle richesse. On sort un peu des circuits professionnels où l’on sait même plus pourquoi on fait ce métier. On retrouve l’essentiel et le plaisir de jouer. On revient à la base.

 

 

Pour vous, est-ce important de mettre en lumière les artistes locaux à Bussang ? Pourquoi ?

 

Des gens viennent de partout en France. C’est une manière de donner de la visibilité et de rendre hommage aux artistes qui sont sur le territoire.

Cette année, c’était un petit hasard d’avoir 3 artistes du Grand Est (Metz, Strasourg, Fraize).

Après Maurice Pottecher, aucun auteur vosgien avait joué au Théâtre du Peuple. Aujourd’hui il y a de nouveau des auteurs d’ici, comme Magali Mougel. Les gens ici sont sensibles à ça et sont fiers de leur territoire et les talents qui y émergent.

 

 

Le public continue d’être au RDV. Vous avez fait le choix de rendre le spectateur véritable participant du projet de théâtre. Expliquez-moi comment et pourquoi ?

 

Il y a des gens qui nous disent « je viens depuis 10 ans, 30 ans … ». Les gens se rendent compte de l’atmosphère unique : la magie du lieu et sa nature tout autour… Puis l’accueil du public avec la direction qui sert au bar. On déhiérarchise le métier et on donne une ambiance familiale.

Notre pari est de continuer à œuvrer à ce que de nouvelles personnes viennent et pas uniquement les habitués. C’est d’ailleurs pour cela qu’on a décalé les heures d’été pour accueillir de nouveaux publics. 450 collégiens du Thillot étaient présents par exemple. Avant, cela était impossible car le théâtre fermait fin août. Nous essayons de leur communiquer la magie du théâtre et leur donner l’envie de revenir avec leurs parents.

 

 

Oeuvrez-vous pour sensibiliser les jeunes au théâtre ? Et quelle vision avez-vous sur cette jeune génération? Une vision plutôt positive ?

 

Si on n’éveille pas la jeunesse et on leur donne que ce qu’ils consomment déjà, on ne va pas aller très loin.

On essaie de sensibiliser un maximum et on s’étend sur un territoire allant entre le Grand Est et la Franche-Comté.

On a travaillé avec des écoles primaires de 4 communes qui sont devenues très liées à notre projet. Toute l’année on essaie d’essaimer le goût pour le théâtre et le texte.

Le cœur de notre mission c’est d’être là pour leur montrer qu’il y a autre chose que la télévision et les smartphones… leur faire découvrir l’art vivant et les grands textes.

Si sur 300 collégiens il y en a que 15 qui auront été marqués, pour nous c’est très bien.

 

 

SUZY STORCK

 

Qu’est-ce qui vous a amené à faire le choix de cette création ?

 

La découverte du texte, tout simplement. Je fonctionne par le désir, en fonction de ce que je lis et ce que je veux raconter. Suzy Storck était un coup de cœur, un coup de poing. La manière d’écrire, la concision.

Puis le fait que Magali Mougel soit vosgienne était aussi un point important.

Et finalement, pour des raisons budgétaires pour la présentation du soir, nous voulions monter une pièce avec peu de comédiens.

C’est allé très vite. Cette pièce je l’ai lu en septembre 2018. Et en octobre, je l’avais prévu pour l’année d’après. Pour moi, il fallait parler de ça – de la place de la femme.

 

 

 

La charge mentale, la place de la femme dans cette société, la transparence de la femme et de la mère de famille, la pression de la maternité, l’identité, … tous des thèmes d’actualité. D’ailleurs un anglicisme, le « mom-shaming » (attaque aux agissements des mamans) est très souvent utilisé aujourd’hui. Suzy Storck fait partie des œuvres qui souhaitent donner une voix à ces femmes d’aujourd’hui ? 

 

Lui donner une voix, oui… mais en même temps cela ne résout rien. Malgré ce qui se passe, cela ne changera rien. Je l’ai réenfermé dans son quotidien à la fin…

Elle ne supporte pas cette situation … et on se rend compte que ça va continuer ainsi…

Elle représente les grandes figures de femmes qui disent stop à un état de fait. Souvent un état installé par les mères, qui les mettent dans les mêmes schémas qu’elles ont vécu elles-mêmes. Et la femme devient prisonnière de ce schéma.

 

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Pour vous, c’est une histoire qui a besoin d’être partagé, même si elle est difficile à entendre ?

 

Les histoires les plus difficiles à entendre sont celles qu’on doit entendre.
Les tabous. Le théâtre est là justement pour oser dire ce qui ne se dit pas dans les foyers.

Dans le public, ça a créé la discussion. Je trouve cela très sain. Des femmes ET des hommes sont venus nous remercier. Des hommes qui ont vécu avec des Suzy Storck et ont eu une vraie prise de conscience. Finalement, on rentre dans des mécanismes.

En tant que fils, je me rends compte maintentant de ce que c’est d’être mère. Les renoncements. On dit que c’est normal… mais c’est terriblement inscrit dans notre société.

C’est un sujet qui nous concerne tous, quel que soit le milieu social.

On va faire une tournée et présenter Suzy Storck dans les grandes villes. Nous voulons voir si la résonance est la même qu’ici.

 

 

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Pour plus d’informations sur le Théâtre du Peuple

Site web : https://www.theatredupeuple.com/
Page Facebook : @theatredupeuple

 

Crédits photos : ©CD88/MEghtesad