
Vous diriez que vous êtes née danseuse, avec une envie de mouvement déjà petite… ou est-ce quelque chose qui est apparue bien plus tard et a évolué avec le temps?
La danse a été présente dès mon enfance. Ma mère m’a inscrite à des cours de danse lorsque j’avais 4 ans et je n’ai jamais cessé de danser depuis.
Pouvez-vous nous retracer un peu votre parcours de danseuse-chorégraphe ?
J’ai un double parcours. Mes parents m’ont toujours encouragé à la danse, mais ils n’étaient pas particulièrement enthousiastes à l’idée d’une carrière artistique. J’ai donc fait des études de Lettres après le bac, puis une prépa et j’ai passé le concours pour devenir professeur de Lettres.
J’ai continué à faire des projets de danse en tant qu’interprète, en parallèle à mon métier d’enseignante.
En 2012 je fais le grand pas et je fonde la compagnie l’Aéronef. Il devenait difficile d’allier 2 métiers en même temps. J’ai donc fait le choix d’assumer ma passion et je me suis lancée à temps plein dans la danse et la création.
Depuis 2012, la compagnie crée une pièce par an.
Je me suis également formée en obtenant un Diplôme d’Etat en danse contemporaine, ce qui me permet la transmission, à travers des ateliers et des formations destinés à divers publics.
Je retrouve dans ce volet transmission mon 1er métier, l’enseignement. La pédagogie de la danse me passionne énormément. Et cela n’est jamais déconnecté du volet création car dans mes ateliers j’organise des sortes de laboratoire autour de mes pièces. Par exemple, pour « S », j’ai organisé des ateliers costume.
Loïe Füller vous a beaucoup inspiré pour la pièce « S ». Elle fut la première à innover autour du tissu à danser avec la lumière projetée sur ses robes en soie immenses dont les bras étaient prolongés de baguettes en bambou pour amplifier le mouvement, … Elle fut la star de l’exposition universelle de 1900.
Qu’est-ce que vous avez aimé le plus chez elle ?
Extrait de la « Danse Serpentine » de Loïe Füller des Frères Lumières
J’aime sa folie. C’est une 1ère rencontre entre la danse et la lumière. Le rapport est fascinant. La lumière éclaire et sculpte la danse.
Il y a quelque chose de révolutionnaire dans ses chorégraphies et de complétement aérien.
Ma pièce « S » est un hommage à ce tissu comme élément qui se métamorphose.
Et comme Loïe Füller, mes créations sont à mi-chemin entre danse et installation plastique. Il y a un vrai lien avec la peinture et les arts plastiques.
Et quels autres danseurs/danseuses-chorégraphes vous ont inspiré tout au long de votre parcours ?
Maguy Marin,
Pina Bausch,
Anne Teresa De Keersmaeker
…
J’aime l’hybridation, le rapport avec la théâtralité, l’absence de linéarité. J’aime trouver des incongruités, chercher d’autres corps. J’aime déconstruire, créer à chaque fois une gestuelle qui s’attache à un projet et trouver un vocabulaire propre à la pièce. J’aime une danse qui se renouvelle.
Le costume évolutif qui a été conçu pour « S » qui se transforme tout au long de la pièce est un personnage à part entière. Vous dites même que le solo S est un quatuor. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Oui, un quatuor. Je dirais même trois duos…
Il y a tout d’abord le tissu + moi.
Le tissu un personnage à part entière. Nous avons créé pour « S » un système de marionnettiste avec 32 fils et un pully.
[Philippe Hariga (régie générale et manipulation) est sur la plateau caché derrière les coulisses].
Puis il y a Olivier Irthum (scénographie, lumière, vidéo) + moi.
Il me suit tout au long du spectacle afin de créer une réelle interaction en direct entre la robe, la vidéo (mapping) et la lumière.
Et pour finir il y a Jean-Nicolas Mathieu (création musicale) + moi.
Une composition musicale a été créée pour « S » avec des ajouts sonores.
C’est un tissu souple, une matière imprévisible. Alors malgré une écriture forte programmée, nous devons tous nous écouter, nous attendre, nous retrouver. C’est très vivant. Nous sommes tous en synergie.
Extrait de la pièce « S »
Je suis venue voir la pièce « S » une après-midi. Il y avait des groupes scolaires (primaire) qui ont assisté à votre solo de danse. Qu’est-ce que vous aimeriez que cette jeune génération retienne de la pièce ?
Je souhaite les sensibiliser à la poésie par le corps, la danse et le mouvement. Les enfants ont un imaginaire ardent. Ils se laissent traverser par les images qui leur viennent.
La nudité partielle est un parti pris ; un choix fait en travaillant la création. J’ai voulu quelque chose de sensuelle, mais pas érotique. J’ai voulu montrer le corps féminin dans ce contexte poétique et magique et leur permettre de voir la dimension sacrée du corps.
« S » est un vrai conte étrange et visuel où naissent tant d’images : la mer, la flaque, la cage, la robe, l’aile, la méduse, l’oiseau, la sirène, le fantôme, … Quel a été le point de départ de cette histoire racontée ? Quelle image vous est apparue en 1er lors de la création ?
La 1ère image qui m’est venue lors de la création est celle d’un corps nu avec un tissu autour du cou, l’image de la tulipe.
Après la création de la robe, d’autres images me sont apparues en manipulant et jouant avec le tissu (exemple : le nid).
Votre corps, celui de la femme, qui est prisonnier de ce tissu, puis se libère. Quelle est votre vision du féminin, du corps de la femme dans notre société d’aujourd’hui ?
Pour moi, « S » n’est pas un propos sur la femme dans notre société d’ajourd’hui, c’est plutôt quelque chose d’intemporel. J’ai simplement voulu montrer toutes les facettes du féminin avec pour outil ce tissu.
J’ai surtout souhaité exprimer l’éventail du féminin et les notions de douceur, de sensualité, de lumière, de liberté et de contraintes, aussi.
Quels sont les challenges que vous rencontrez en tant que jeune compagnie de danse ?
Chaque création est un pari fou. Le plus gros challenge pour la compagnie est la diffusion. Nous aimerions pouvoir rencontrer plus souvent les professionnels afin de pouvoir proposer au public une tournée plus conséquente de nos pièces.
Nous sommes également à la recherche d’opportunités pour mutualiser des compétences et des savoir-faire, plus particulièrement côté production et diffusion. Comme pour toute petite structure, il nous manque du temps et du personnel.
La danse contemporaine est aussi un challenge en soi. Il faut donner l’envie aux gens de se déplacer.
Quels sont les futurs projets de la compagnie Aéronef ?
La pièce « S » se reproduira encore une fois dans les Vosges au Trait d’Union à Neufchâteau le 1er février 2020.
Nous sommes en pleine création pour l’automne 2020 avec le danseur Sébastien Cormier. Cela s’intitulera « Une Aube (un crépuscule) ». La Méridienne à Lunéville nous accueille pour une résidence de création. Puis nous serons au Théâtre de la Rotonde à Thaon-les-vosges, Capavenir.
Nous cherchons également une autre résidence de création dans les Vosges. (Pour prendre contact avec Anne Marion : compagnielaeronef@gmail.com)
Cette nouvelle pièce parle du couple. C’est l’attelage et le dialogue de deux corps contenus dans un nid. J’avais pour désir de me pencher sur la question de la relation, de l’individu dans la relation, de l’alliance, de la combinaison des individualités.
Je voudrais écrire et chorégraphier le poème d’un couple métaphoriquement sous le joug (« unir, joindre, mettre sous le joug ») : resserrés dans une unité de temps, une unité de lieu, resserés dans leur relation.
Prochaines représentations :
« S »
> 1er février 2020 au Trait d’Union à Neufchâteau
« Une Aube (un crépuscule) »
> 6 novembre 2020 à la Méridienne, théâtre de Lunéville
> 27-28 novembre 2020 au théâtre de la Rotonde à Thaon-les-Vosges dans le cadre du salon Cousu du Fil Rouge.
Pour plus d’informations sur la compagnie L’Aéronef
Page Facebook : @aeronef
Crédits photos : ©Aeronef
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