Rencontre avec Sophie Bey

 

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Sophie Bey, coordinatrice culturelle de l’association La Lune en Parachute

 

 

Pour vous, l’art contemporain dans les Vosges, ça vit, ça respire, ça bouge ? Etes-vous satisfaite de son rayonnement culturel ou y a-t-il encore beaucoup de boulot ?

 

Si on prend le territoire dans sa totalité, ça va. Mais il y a encore du boulot, particulièrement dans les zones rurales. Il y a encore de l’énergie à mettre dans les « zones blanches », comme on a pu le constater dans l’état des lieux mené par le Conseil Départemental des Vosges.

L’art contemporain n’est pas réparti égalitairement sur le territoire. Même si il y en a partout, les liens ne se font pas toujours.

L’Art Bus a d’ailleurs été pensé pour palier à ce manque.

Le concept de l’Art Bus est né il y a 14 ans de 2 constats :
1) la problématique du public, et notamment les ados, qu’on voit de moins en moins dans les lieux culturels publiques.
2) la problématique du territoire et cette question de comment répartir l’offre culturelle sur tout le territoire. Commente irriguer le territoire.

J’aime beaucoup cette image « d’irriguer » … on sème des graines, on ne sait pas si cela va pousser, si les conditions sont assez clémentes.

 

 

Qu’est-ce qui vous a donné l’idée de créer ce projet pédagogique unique en France ?

 

L’Art Bus est vraiment un projet auquel on croit.

On se déplace vers le public. On fait un pas vers eux. On n’attend pas qu’ils viennent dans un lieu d’art, on va directement dans les collèges. C’est un vrai lieu de mixité sociale.

Cela permet une vraie démocratisation et accessibilité à l’art pour ne pas rester sur l’élitisme. C’est l’art pour tous. Il y a un vrai moteur éthique derrière.

 

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L’Art Bus, est-ce une bonne recette pour intéresser les jeunes à l’art ?

 

C’est proposer une régularité avec laquelle le public sera en contact avec 1 œuvre d’art. Cela forge le regard. Qu’on aime ou qu’on n’aime pas, là n’est pas la question. On peut mieux définir ce qui nous touche, nous parle, nous interpelle… et si une méthode artistique nous plaît plus qu’une autre.

Les professeurs font un travail de médiation culturelle merveilleuse. Suite à l’Art Bus, de magnifiques projets ont pris forme. Ils sont vraiment nos alliés.

 

Quels sont les retours que vous avez des élèves et du corps enseignant ?

 

Une petite anecdote … j’entends souvent « ah oui, l’Art bus » de lycéens que je rencontre qui se sont souvenu de cette opération dans leur ancien collège. Finalement, pour certains c’est leur 1er contact avec l’art contemporain. C’est une belle reconnaissance pour La Lune en Parachute. Ça nous montre que ce qu’on fait a vraiment du sens.

 

Pourquoi cibler uniquement les collèges ? Pourquoi pas les primaires, les lycées ? 

 

Dans la naissance du projetc’était une bonne logique de cibler les collèges étant donné que le Conseil Départemental des Vosges gèrent les collèges sur le territoire.

L’Art bus c’est une petite goutte d’eau par rapport à tout ce qui peut être fait. Nous aurions comme souhait de développer l’opération Art Bus de manière plus large, hors temps scolaire par exemple.

Notre rêve serait de pas juste nous confiner aux collèges, mais d’offrir l’opération au plus grand nombre : les places des villages, les primaires, les lycées, les foyers ruraux, …

Il y a un gros potentiel, mais il faudrait un 2ème salarié.

 

Une enseignante d’arts plastiques chargée de mission par la Délégation Académique des Arts et de la Culture élabore chaque année un dossier pédagogique autour de l’exposition dans le bus. Cet outil est-il une réelle richesse pour les enseignants ? 

 

Cela est une vraie richesse.

Nous n’avions pas de chargée il y a 9 ans. On livrait une expo et on laisser les collèges en disposer comme ils le voulaient. Nous avons professionnalisé tout cela suite au passage de 2 expositions moins accessibles et plus difficiles à comprendre ou aborder.

Cette enseignante chargée de mission a pour mission de :
1) préparer une mallette numérique destinée aux collèges où elle y intègre des idées de séquences, de la documentation d’artistes en lien avec l’exposition, …
2) faire un bilan avec le nombre de participants, de projets de classe. Cela donne une belle visibilité pour nous en tant qu’association.

Cela n’empêchent pas beaucoup de professeurs de collège d’élaborer eux-mêmes leurs séquences, ils ne manquent pas d’inventivité ! Mais c’est quelque chose mis à leur disposition, sans obligation, avec des orientations proposées pour ceux qui veulent.

 

Comment expliquez-vous le succès de l’Art Bus qui existe maintenant depuis 14 ans ?

 

La Lune en Parachute est une association avec un beau parcours dans le temps et avec des soutiens qui ont grandi. Puis on ferait rien sans nos bénévoles.

Le Conseil Départemental et Transdev Grand Est sont 2 partenaires clés pour la création de l’opération de l’Art Bus.

Aujourd’hui, cela représente 15 établissements et 4000 élèves.

Il y a également une forte collaboration avec l’Education Nationale et la DRAC.  On couvre également un réseau d’éducation prioritaire (en moyenne 2 à 3 par an sur nos itinéraires) et ils nous guident sur nos choix, nous aident dans nos besoins pour certaines zones.

On parle de plus en plus de zones blanches. L’Art Bus s’inscrit de mieux en mieux à un besoin réel sur le territoire.

 

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Rencontre avec Hélène Bleys

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Hélène Bleys, jeune artiste qui expose dans l’Art Bus pour l’édition 2019

 

 

Qu’est-ce qui vous a poussé à devenir artiste ? Racontez-nous un peu votre parcours.

 

Je ne suis pas née avec un crayon dans la main, mais ces gestes de dessin comme quand j’étais enfant sont restés. Finalement, c’est resté mon langage. C’est venu tout seul, naturellement. J’ai fait les beaux-arts à Nancy. Le dessin est devenu un refuge pour moi. Ce n’est pas confortable mais réconfortant.

 

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Pouvez-vous nous décrire l’univers que vous avez souhaité installer dans l’Art Bus cette année ?

 

C’est une sélection de dessins puisés de mes productions antérieures. Je voulais mettre en avant des images qui pouvaient créer un écosystème fantasque. L’idée est de représenter l’Homme, l’animal et la nature… et de les faire cohabiter sans les hiérarchiser. C’est comme un songe, teinté d’onirisme.

 

 

 

Quels sont les messages que vous souhaitez faire passer dans vos œuvres ?

 

Il peut y avoir plusieurs regards. Ce n’était pas mon souhait de diriger vers 1 seule et unique affirmation.

Cela représente un monde en mutation qui peut retentir en nous … l’écologie, la mutation transgénique, etc. C’est une réaction au monde, déjouer et jouer de son activité.

C’est une suggestion, un regard sur ce qui se passe, sans pour autant être en mesure de changer les choses.

Et puis le dessin, c’est le langage de l’enfance… ça peut parler à tous.

Le principe de l’exposition :

Un espace d’exposition dans 1 bus avec pour mission de le déjouer, de sortir du cadre et aller vers quelque chose de plus fantasque.

Plusieurs dimensions de dessin sont représentées :

  1. les dessins muraux
  2. les dessins encadrés
  3. les dessins qui débordent du cadre
  4. les céramiques pour donner l’impression que les dessins ont pris une forme 3D

 

 

 

Il y a un réel paradoxe dans vos œuvres qui sont à la fois épurées et simples mais en même temps si complexes et remplies de détails. Quelle était votre volonté artistique ?

 

J’ai voulu décontextualiser avec des formes autonomes.
C’est le plaisir du dessin reflété, le plaisir de se perdre dans les gestes.

J’ai une réelle fascination pour les textures. Puis une fascination à apprendre à regarder les choses, de manière macroscopique. Cette volonté aussi de montrer beaucoup de choses et d’aller jusqu’au bout. L’esthétique de la saturation me plaît beaucoup.

Il y a aussi ce rapport au temps, avec la lenteur.

 

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Vous rentrez dans les détails… de l’animal, du corps humain… extérieur comme intérieur, Quelles réactions avez-vous eu du grand public ? Est-ce que cela dérange parfois ?

 

Peut-être quelques froncements de sourcils de temps en temps.

J’ai une fascination pour ce qu’on trouve dans l’encyclopédie, cela me terrorise. C’est une sorte de catharsis pour moi… pour montrer qu’on n’est pas juste une âme.

Et puis les cheveux, intestins, tentacules… se sont des formes liées à la ligne du dessin. Le geste de nouer, entremêler et toute l’interprétation qu’on leur donne. C’est une référence au dessin.

 

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Avez-vous des conseils pour des jeunes artistes qui désirent se lancer dans l’art contemporain ?

 

Je débute à peine moi-même… mais si je dois conseiller une chose… La pratique devrait être de l’ordre du jeu. Il faut s’enlever des barrières et faire les choses en jouant, sans gravité.

 

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Pour plus d’informations sur La Lune en Parachute :


Site web : https://laluneenparachute.com/
Facebook : laluneen.parachute
Instagram : @la_lune_en_parachute

 

Pour plus d’informations sur Hélène Bleys :


Site web :https://www.helenebleys.com/
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Crédits photos : ©CD88/MEghtesad